Jane Campion, Arnaud Desplechin, Julia Ducournau : nos pronostics pour Cannes 2021

Cette 74e édition, qui se tiendra du 6 au 17 juillet, s’annonce particulièrement riche.


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Le quatuor gagnant : Leos Carax, Wes Anderson, Paul Verhoeven et Nanni Moretti

Qui sera de retour cette année pour un nouveau round cannois ? Certains cinéastes, chouchous du festival, se sont déjà qualifiés en compétition, lors de cette nouvelle édition d’autant plus prestigieuse que les films se bousculent au portillon après quasiment un an de fermeture des salles et l’annulation de l’édition 2020 en raison de la crise sanitaire. Parmi les chanceux qui fouleront le tapis rouge, on croisera , dont la comédie musicale façon opéra rock, Annette, sera présentée en ouverture. Fruit d’une collaboration entre le mythique groupe des Sparks et le réalisateur d’Holy Motors, le film sera porté par Marion Cotillard et Adam Driver.

Du côté des autres confirmés, on trouvera Nanni Moretti pour Tre Piani, film choral sur les destins croisés de trois familles vivant dans des appartements du même immeuble bourgeois, avec Riccardo Scarmarcio, Margherita Buy et Alba Rohrwacher, mais aussi Wes Anderson pour The French Dispatch et Benedetta de Paul Verhoeven (deux films censés être diffusés en premières mondiales l’année dernière mais gelés lors de cette année blanche).

Cinéma français : le retour des habitués 

Bruno Dumont, détenteur d’un petit record dans l’histoire cannoise (deux Grand Prix, pour L’Humanité en 1999 et pour Flandres en 2006), et lauréat en 2019 d’une mention spéciale à Un certain Regard pour Jeanne, devrait être de retour avec France, anciennement intitulé Par ce demi-clair matin. Avec cette comédie dramatique sur une journaliste de télévision en pleine crise existentielle, Bruno Dumont amorce un virage inattendu dans sa carrière : un casting de luxe (Léa Seydoux, Blanche Gardin et Benjamin Biolay) auquel il ne nous a pas habitués, lui qui aime tant filmer les visages inconnus et amateurs.

On attend aussi de pied ferme Arnaud Desplechin pour Tromperie, adaptation d’un roman de Philipp Roth paru en 1990, dans lequel un écrivain dialogue entre quatre murs avec les femmes de sa vie – son épouse, une amante, mais aussi d’autres personnages purement inventés. Ce film de confinement, tourné des conditions minimalistes, mettra en scène Léa Seydoux, Denis Podalydès et Emmanuelle Devos. Un huis clos teinté de psychanalyse et de dialogues sur l’adultère qui risque de faire le buzz.

Arnaud Desplechin et la chef-opératrice Irina Lubtchansky nous parlent de « Roubaix, une lumière »

Reparti en  2008 avec la Palme d’or pour Entre les murs, fiction proche du documentaire sur une classe de quatrième d’un collège parisien réputée difficile, et revenu en 2017 pour présenter L’Atelier à Un certain regard, Laurent Cantet se frayera peut-être une place sur la croisette avec Arthur Rambo. On y suivra la chute d’un jeune écrivain (Rabah Naït Oufella, aperçu dans Grave) adulé des médias, rattrapé un jour par de vieux tweets haineux… 

Autre aspirant sérieux : François Ozon (éternel absent des palmarès cannois, malgré trois nominations en compétition officielle pour Swimming PoolJeune et Jolie et L’Amant double) pour Tout s, avec Sophie Marceau. Il s’agira d’une adaptation du récit d’Emmanuèle Bernheim dans laquelle elle racontait avec une grande lucidité la fin de vie de son père.

Parions aussi que Mia Hansen-Love se qualifiera avec Bergman Island, film méta situé sur l’île suédoise de Fåro, sur un couple de cinéastes américains (Tim Roth et Vicky Krieps) venu y écrire le scénario de leur nouveau film. Si la réalisatrice a souvent brillé dans les sections parallèles (la Quinzaine pour Tout est pardonné en 2007, Un certain regard pour Le père de mes enfants en 2009), et s’est distinguée à la Berlinale (Ours d’argent pour L’Avenir en 2016), elle n’a jamais concourue en sélection officielle.

Et pourquoi pas miser aussi sur Julia Ducournau et son thriller Titane, avec Vincent Lindon en tête d’affiche ? Inspiré de la mythologie grecque, le film nous plongera dans une série de meurtres macabres, et pourrait encore une fois explorer la notion de mutation, symbolique et physique. On a aussi en tête, évidemment, Claire Denis, pour Amour et acharnement, une adaptation d’un livre de Christine Angot sur une femme (Juliette Binoche) prise dans les tourments d’un trio amoureux. Tout comme on pense qu’il y a de bonnes chances de découvrir le prochain Alain Guiraudie, . Une rom-com sur fond d’attentat à Clermont-Ferrand, dans lequel un trentenaire tombe amoureux d’une prostituée plus âgée.

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Du côté des concurrents internationaux

Jane Campion, qui avait reçu la Palme d’or en 1993 pour La Leçon de piano, pourrait faire son grand retour avec Le Pouvoir du chien, western crépusculaire adapté du best-seller de Thomas Savage publié en 1967, autour d’une vengeance fratricide, avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst et Jesse Plemmons. Netflix a déjà acheté les droits de ce film auquel Jane Campion pense depuis longtemps : « Les thèmes de la masculinité, de la nostalgie et de la trahison sont un mélange enivrant (…). Ce sera la première fois que je travaillerai sur un rôle masculin, ce qui est excitant », a-t-elle expliqué à  IndieWire.

On compte sur Monia Chokri pour illuminer cette sélection avec , l’histoire de Cédric qui, « après avoir posé un geste considéré comme sexiste devenu viral sur les médias sociaux, perd son emploi ».  Après le subtil La Femme de mon frère, Prix Coup de cœur du jury «Un certain regard» en 2019, la réalisatrice et actrice québécoise risque bien de bousculer la Croisette avec cette comédie féministe et impertinente.

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Joel Coen pourrait aussi présenter son premier projet solo, adaptation du Macbeth de Shakespeare version thriller noir et blanc, avec Frances McDormand, Brendan Gleeson et Denzel Washington au casting, et Todd Haynes monter son docu The Velvet Underground, qui sera diffusé sur Apple TV + mais pourrait profiter des festivals comme tremplin.

Après l’engouement suscité par Leto en 2018 comédie musicale exaltante sur la rébellion rock juste avant la chute de l’URSS, on espère voir le Russe Kirill Serebrennikov rejoindre la course avec Petrov’s Flu, qui retracera sous forme de déambulation alcoolisée une journée dans la vie d’un auteur de bandes dessinées. Rappelons qu’à l’époque, le cinéaste, assigné à résidence dans son pays, n’avait pas pu se rendre à Cannes, mais qu’il a été libéré sous contrôle judiciaire en avril 2019.

Le cinéaste israélien Nadav Lapid, révélé à la Semaine de la critique avec L’Institutrice en 2014 et Ours d’Or à la Berlinale pour Synonymes, est lui aussi un sérieux prétendant – son nouveau film Le Genou suivra l’errance d’un cinéaste habité de doutes dans le désert.

Mots-croisés : Nadav Lapid nous parle littérature

Acclamé à Cannes mais reparti sans prix pour Valse avec Bachir, Ari Folman pourrait également se frayer une place avec Where is Anne Frank, qui mélangera animation et stop-motion pour raconter les sept derniers mois de la vie d’Anne Frank à travers le personnage imaginaire de Kitty, alter ego d’Anne dans son journal. On espère aussi avoir la chance de voir La pire personne au monde de Joachim Trier, histoire d’amour prendra la forme d’une déambulation existentielle dans les rues d’Oslo, et pourquoi pas Last Night in Soho d’Edgar Wright, voyage dans le Swinging London sur une jeune fille passionnée de mode qui parvient à voyager dans le temps pour rencontrer son idole.

Image : Copyright 3B Productions