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Mirion Malle, quelle cinéphile es-tu ?

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-02-24

Après Commando Culotte et La Ligue des super féministes, deux bande-dessinées didactiques qui déconstruisaient avec malice les stéréotypes de genre, Mirion Malle signe avec C’est comme ça que je disparais – sur les engrenages de la dépression, une pathologie encore taboue – une première fiction d’une justesse impressionnante . D’un trait incisif et évanescent, où chaque silhouette menace de s’évanouir au milieu des phylactères et des vers de Sylvia Plath, l’autrice raconte le parcours intérieur de Clara, jeune attachée presse et poétesse à ses heures perdues, rongée par le mal de vivre. Elle a accepté de répondre à notre questionnaire cinéphile avec ce mélange de mélancolie et d’espièglerie qui caractérise son oeuvre. 

Ton personnage de C’est comme ça que je disparais en trois mots ?
Douleur, force, douceur.

Trois bandes-dessinées que tu aimerais voir adaptées au cinéma ?
Les petits garçons de Sophie Bédard. C’est une bande-dessinée très drôle, très triste, pleine de nuances. Une des plus belles façons de raconter l’amitié. L’autrice est une excellente dialoguiste et la BD elle-même est un peu découpée comme un film. Vraiment, adaptez-là si vous le pouvez ! Unlovable, d’Esther Pearl Watson, l’adaptation d’un journal intime d’une ado que l’autrice a trouvé sur le sol d’une station-service dans les années 1990. C’est tellement drôle, je pense que ce serait le meilleur teen movie ever. Et enfin, Gals! de Mihona Fujii, un de mes shōjo préférés quand j’étais plus jeune et encore aujourd’hui. Au-delà du fait que c’est une excellente série, je serais curieuse de voir sa transposition à l’écran : l’exercice demanderait beaucoup d’inventivité et d’astuces pour garder le rythme, le dynamisme, l’humour et en même temps les moments plus tristes et poignants de l’oeuvre.

Trois héroïnes de films avec lesquelles tu aimerais être en coloc’ ?
Kung Fu dans House. C’est tout simplement le meilleur personnage du monde, elle est très forte à la bagarre. Les deux héroïnes des Petites Marguerites de la réalisatrice tchèque Věra Chytilová. Je pense qu’on s’amuserait bien, qu’on mangerait beaucoup, et qu’on piégerait les vieux bonhommes toutes ensemble. Je les adore, tout simplement.

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Trois films qui évoquent avec justesse la dépression ?
Le Rayon Vert, d’Eric Rohmer, co-écrit avec Marie Rivière, qui m’a bouleversée dès le premier visionnage. Le personnage de Delphine est un de ceux qui incarnent le mieux le tout et le rien qui nous habitent en dedans. C’est un film léger et grave à la fois. Thelma & Louise de Ridley Scott. Le film n’aborde pas la dépression à proprement parler, mais l’évoque comme une menace, interroge cette prison dans laquelle les violences sexuelles enferment les femmes. Et Claire l’Hiver de Sophie Bédard-Marcotte, qui là encore ne traite pas directement de la dépression, mais est un beau film sur le vide à l’intérieur.

Trois films de la pop culture que tu as un peu honte de regarder ?
Je n’ai jamais honte d’aimer un film, ou n’importe quelle œuvre d’ailleurs!  C’est dommage d’avoir honte des choses qu’on aime, si on les aime c’est pour quelque chose. Et si on a honte, alors ça signifie qu’on a honte de ce quelque chose en nous, non? Si je pense à trois films qui ne sont vraiment pas alignés avec mes valeurs, mais que j’aime quand même car ils sont vraiment bien écrits et composés,  je dirais Le journal de Bridget Jones, Love Actually et Die Hard.

Trois réalisatrices avec qui tu aimerais dîner ?
Agnès Varda, bien sûr. C’est l’artiste qui m’inspire le plus, qui a fait des œuvres d’une beauté, d’une poésie et d’une intelligence rares. Elle m’a aussi montré qu’il y avait plein de chemins possibles, qu’on pouvait toucher à tout. Elle me manque beaucoup. Monia Chokri, car j’ai vraiment été renversée par La Femme de mon frère. C’est un premier long-métrage, et pourtant on dirait qu’elle a mille ans d’expérience : c’est drôle, beau et en même temps un peu amer. Bref, délicieux ! Et Anna Biller. J’ai vu presque tous ses films et j’ai écouté plusieurs de ses interviews. Elle est hyper forte, et une liberté folle se dégage de tout ce qu’elle fait et dit. On dirait qu’elle s’en fiche complètement des règles et qu’elle fait ce qui lui plaît avant tout. C’est peut-être ça le secret.

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Trois teen-movies qui t’ont marquée ?
Mon teen-movie préféré est un faux teen-movie : Election d’Alexander Payne. Payne arrive très simplement, avec peu de détails choisis avec soin, à décrire les attentes et les perceptions des adolescent.e.s, selon le genre et la classe sociale. Il montre aussi que les vieux profs qui font des fixettes sur leurs élèves n’ont aucune excuse. Et puis on rit beaucoup, et Reese Witherspoon est extraordinaire !

Diabolo Menthe de Diane Kurys. Un film très fort sur ce que grandir signifie, comment comprendre d’un seul coup que l’on existe dans le vrai monde – celui des premiers émois, mais surtout le monde politique, social. Le film est très ancré dans la réalité de son époque : le fait qu’il soit daté le rend paradoxalement très moderne. Et puis, je trouve ça important de montrer des sœurs qui se chamaillent mais qui s’aiment, j’ai l’impression qu’on en voit peu.  Dans le genre, mon dernier coup de cœur est pour Jeune Juliette d’Anne Emond, qui dépeint l’adolescence dans toute son intensité douloureuse. On dirait que c’est une grosse comédie – c’est vrai que c’est très drôle -, mais c’est aussi très délicat, et tous les ados y sont formidables !

Trois scènes de films que tu aimerais vivre? 
Chaque scène des Demoiselles de Rochefort. Je connais déjà toutes les répliques, chansons et chorégraphies par cœur, donc si jamais il y a possibilité, je suis prête ! La scène où la Belle arrive dans le château de la Bête dans le film La Belle et la Bête de Jean Cocteau, avec les bras qui sortent des murs et des tables pour tenir les chandeliers… quelle beauté ! Je l’ai vu pour la première fois à huit ans, par hasard. Cette scène m’a marquée d’un coup et pour la vie. La scène finale de l’opéra dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Bizarrement, j’ai mis du temps à comprendre que ce qui me plaisait dans la vie, dans les œuvres, c’était de ressentir des émotions. Et quoi de plus émouvant que cette scène-là, remplie de la tristesse la plus pure, la plus douce et la plus déchirante?

Propos recueillis par Léa André-Sarreau 

C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle. Editions La ville brûle, 208 p.

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