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Harmony Korine : « Aujourd’hui, tout est devenu pop-culture »

  • Timé Zoppé
  • 2023-09-15

Alors qu’il présentait son nouveau projet expérimental « AGGRO DR1FT » avec Travis Scott au festival de Venise il y a quelques jours, on a eu l’occasion de rencontrer le réalisateur de « Spring Breakers » début août au festival de Locarno. Il y recevait un Léopard d’honneur accompagné d’une rétro de ses films - qui reflètent chacun à leur manière les paradoxes des Etats-Unis – et y a mené une masterclasse décontractée avec son ami Gaspar Noé. Cigare au bec et chill dans l’âme, comme durant notre entrevue.

Vous êtes passionné de skate. Quel est votre film de skate favori ?

Je dirais celui avec Christian Slater [Skate rider de Graeme Clifford, sorti en 1989 aux Etats-Unis et inédit en France, ndlr]. Je l’ai vu au lycée et j’en garde un bon souvenir, je ne sais pas trop pourquoi.

Skate rider de Graeme Clifford

Vous aimeriez en réaliser un ?

J’ai filmé un paquet de vidéos de skate et des clips. Avec la boîte de production que je viens de lancer, EDGLRD [qui a produit AGGRO DR1FT, ndlr], on aimerait bien expérimenter, notamment sur ce genre de choses.

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Vous avez justement commencé votre carrière au cinéma grâce au skate. Larry Clark vous a remarqué quand vous en faisiez avec vos amis et vous vous êtes retrouvé, à 19 ans, à écrire son premier film Kids (1995). Vous êtes toujours en contact avec lui ?

Hmm, non.

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Vous pensez que les films comme Kids et Ken Park (2002), que vous avez coécrit avec lui, pourrait voir le jour aujourd’hui ?
Difficile à dire, même pour mes premiers films en tant que réalisateur [Gummo (1997) et Julien Donkey-Boy (1999), qui portent sur des marginaux, des déclassés, nldr]. Le monde a changé. Il y a quand même des séries comme Euphoria, que ma fille adore regarder, qui ne doivent pas être si loin de ce qu’on faisait à l’époque.

Comment vous voyez les bouleversements actuels de l’industrie du cinéma ?

Je vois que les gens font toujours des choses. Mais moi, je joue surtout aux jeux vidéo. Je n’ai pas vraiment vu de films depuis quatre ans. Sauf récemment, un super film sud-coréen, Carter [de Jung Byung-gil, sorti en 2022 sur Netflix, ndlr], mais personne n’en a parlé nulle part. Pourtant, j’ai trouvé ça fou ce que le réalisateur faisait avec le langage cinématographique. Je ne sais pas ce qui s’est passé ces dernières années mais je trouve tout ennuyeux. On dirait que tout a été fait par un algorithme.

A quels jeux vidéo jouez-vous ?

J’ai beaucoup joué à Elden Ring ces derniers temps. Des RPG [jeux de rôles, ndlr], mais j’ai aussi toujours adoré les FPS [jeux de tir à la première personne, ndlr], j’en streame sur Twitch.

C’est en lien avec le projet que vous présentez à Venise cette année, AGGRO DR1FT ?

Oui, c’est un projet basé sur le gaming. On en retrouve l’esthétique, les sensations. J’ai utilisé une caméra infrarouge, c’était très excitant.

Aggro Dr1ft de Harmony Korine

Le rappeur Travis Scott est au cœur du projet, vous aviez déjà tourné le clip « Last Time », son morceau avec Gucci Mane. La pop-culture vous a souvent inspiré, notamment pour votre hit Spring Breakers (2012). Quel rapport entretenez-vous avec elle aujourd’hui ?

Je suis inspiré, ou bien en réaction, à tout. Car aujourd’hui, tout est devenu pop-culture. Je ne vois pas ce qu’il y aurait d’autre. Il n’y a plus d’underground. Seulement de la culture raffinée et de la culture populaire.

Vous utilisez Instagram ou Tik Tok ?

Pas personnellement. Mais c’est partout, et j’ai des enfants qui les utilisent en permanence. Donc je suis quand même au courant. Aujourd’hui, quand je regarde un film, je ne ressens rien, je suis comme mort à l’intérieur. Et puis je tombe sur une vidéo Tik Tok, ça dure 20 secondes, et je m’assois et regarde en boucle pendant une heure pour essayer de comprendre comment c’est fait, pourquoi ça existe. C’est pour ça que je pense que l’idée du cinéma telle qu’on la concevait est anéantie, parce que je peux regarder une vidéo sur Tik Tok, YouTube ou un live sur Twitch et trouver ça plus excitant qu’un film qui a coûté 200 millions de dollars.

Vous êtes aussi peintre. Qu’est-ce que vous aimez dans cette pratique ?

Peindre, c’est peut-être ce que je fais le plus dans ma vie. C’est solitaire, plus immédiat que la réalisation. C’est sans doute mon activité préférée.

Vu votre sentiment au sujet du cinéma, ça vous intéresse encore d’en faire ?

En fait, EDGLRD est voué à l’expérimentation. C’est tourné vers le futur, on veut faire du design de jeux vidéo, de l’art. Je m’intéresse aussi à la technologie derrière. C’est vrai que je ne le suis plus du tout par le fait de faire des films à l’ancienne…

Image de couverture : Aggro Dr1ft de Harmony Korine

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