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CANNES 2024 · « Caught by the Tides » de Jia Zhang-ke : marée haute

  • Corentin Lê
  • 2024-05-20

[CRITIQUE] Dans les années 2000, un jeune couple vit à cent à l’heure dans les rues bondées de Datong, au nord de la Chine, puis se sépare et se retrouve, vingt ans après, dans une Chine méconnaissable. Avec l’émouvant « Caught by the Tides », Jia Zhangke se livre à une archéologie mélancolique de sa propre filmographie.

Comme souvent chez Jia Zhangke, Caught by the Tides se divise en trois parties, qui correspondent à trois époques : 2001 à Datong, année où la Chine rejoint l’Organisation Mondiale du Commerce, un passage à Fengje en 2004, puis un retour à Datong en 2022, au lendemain de la catastrophe sanitaire. S’il ressemble, dans sa structure, aux derniers grands films romanesques du cinéaste, Au-delà des montagnes ou Les Éternels, ce nouveau long métrage, à la limite du film d’archives, s’en écarte en étant constitué en majeure partie de plans tournés il y a une vingtaine d’années. Jia Zhang-ke reprend des bouts de ses fictions (surtout Plaisirs inconnus et Still Life), des fragments de documentaires et des morceaux de rushs inédits, précieusement gardés pendant deux décennies, nous montrant de plein fouet une Chine emportée par sa propre transition. Les marées du titre renvoient de fait à une série de bouleversements qui ont eu raison des décors présentés au début du film, pour la plupart disparus, comme engloutis par une montée des eaux (celle d’un développement économique en forme de déferlante inarrêtable – avec le capitalisme en léviathan).

Jia Zhang-Ke, la mémoire dans la peau

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Fuite musicale et poétique, Caught by the Tides adopte ainsi la logique d’un (re)montage en raz-de-marée, avec une succession d’archives vibrantes qui montrent des scènes de danse, de quotidien, de course ou au contraire d’attente. Sans jamais l’expliciter, Jia y incorpore un mélodrame minimaliste avec Zhao Tao en jeune femme errante, traversant le film sans prononcer un seul mot. L’intrigue amoureuse, à la fois simple et évidente, trouve son acmé dans une troisième partie contemporaine déroutante, où l’émotion surgit des rides qui se révèlent au moment d’enlever son masque chirurgical. De manière générale, JZK signe un film dont la texture même souligne la manière dont les images, périssables, sont toujours le reflet d’un instant T. Ce qui frappe et émeut le plus dans les ellipses qui séparent les trois parties tient à des changements de cadre, de format et de plasticité : c’est la texture même du monde – granuleux, imparfait, puis lisse et synthétique – qui évolue brutalement sous nos yeux, rattrapée elle-aussi par les marées.

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

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