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« Dark Waters » : le réquisitoire écolo de Todd Haynes

  • Louis Blanchot
  • 2020-02-25

Dans les pas des grands films de dénonciation tirés d’une histoire vraie, Todd Haynes livre un réquisitoire documenté contre l’impunité de l’industrie chimique qui est aussi un éloge du monsieur Tout-le-monde prêt à tout pour une cause. Le film est à revoir sur Arte en ce moment.

Des Hommes du président d’Alan J. Pakula en 1976 à Révélations de Michael Mann en 1999, l’histoire du cinéma américain est riche de ces récits inquisiteurs vantant la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Avocat aux services des grands noms de l’industrie chimique américaine, Robert Bilott se retrouve du jour au lendemain à guerroyer contre l’un des plus puissants d’entre eux, le groupe DuPont, à qui un fermier reproche d’avoir pollué ses sols. C’est à travers des images d’apocalypse à forte valeur réaliste, exhibant une terre agricole exsangue et des animaux décharnés, que le film éveille son personnage aux conséquences sanitaires dévastatrices des agissements de ses clients. Certains seront peut-être étonnés de voir Todd Haynes, plutôt familier du mélo amidonné et des reconstitutions luxueuses (les fifties de Loin du paradis et de Carol), s’emparer du matériau trivial du film-dossier.

Todd Haynes : « La révolution doit avoir lieu en dehors du film, dans le monde réel »

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C’est oublier qu’en 1995 le réalisateur s’était déjà saisi, en précurseur, de la question écologique : dans Safe, il accompagnait le calvaire d’une femme au foyer de la bourgeoisie californienne soudain sujette à des crises de détresse respiratoire aiguës qui auraient pour cause la pollution aux particules fines et les produits domestiques… Approché directement par l’acteur Mark Ruffalo (à l’initiative de ce projet lui permettant de prolonger, dans la foulée de Spotlight, son autoportrait en citoyen modèle), Haynes met ici son application de styliste et son souci du détail au service dévoué de son personnage, dont la méticulosité emprunte de résilience est épousée pas à pas, à la faveur d’un récit fragmenté qui semble vouloir englober toute la complexité scientifique et juridique de l’affaire. Mais la sophistication de Dark Waters se joue davantage à un niveau intime, dans les nombreuses scènes conjugales qui rythment cette épopée judiciaire au long cours (dans un rôle ingrat, Anne Hathaway est comme à son habitude prodigieuse) et raccrochent le film au grand sujet de Haynes : la façon dont nos choix de vie vont redéfinir, souvent dans la douleur, l’image que notre entourage se fait de nous. 

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