
Qui a déjà réussi à raconter ses rêves avec précision ? C’est la question qui demeure après la projection de Résurrection, troisième long métrage du visionnaire Bi Gan, sacré Prix spécial du jury au dernier Festival de Cannes. Comme si eux aussi n’avaient pas su dans quelle catégorie classer ce film. Peut-être parce qu’il échappe à toute case.
Difficile d’en parler tant il semble mouvant, changeant selon le regard et l’attention du spectateur. Tentons, pourtant. Dans un monde post-apocalyptique, où rêver tue à petit feu, une femme (l’intrigante Shu Qi), guide et narratrice du film, part sur les traces des derniers rêveurs, les bien nommés « rêvoleurs ». Chaque séquence met en jeu ce qui fait de nous des êtres sensibles, nos cinq sens, et explore différents genres ou époques du septième art : du cinéma muet inspiré de Georges Méliès et des frères Lumière en passant par l’expressionnisme allemand, du film noir des années 1930 au conte fantastique…
Jusqu’à un vertigineux plan-séquence (près de trente minutes) qui suit deux amants perdus sous la pluie, la nuit du réveillon de l’an 2000, errant dans une ville contrôlée par la pègre. Ils finissent par prendre le large… On se perd, comme dans un songe, et il faut accepter cette dérive. Résurrection est un film total, fascinant et foisonnant de symboles, qui continue à nous hanter bien après l’avoir vu.
Résurrection de Bi Gan, Les Films du Losange (2 h 40), sortie le 10 décembre
