
On ne connaissait pas la fantasque Vera Gemma, mais elle est une figure du cinéma italien (elle a joué dans des films de Dario Argento) dont le talent a été occulté, confisqué par des hommes. En premier lieu, par son père acteur, la star Giuliano Gemma, connu pour ses westerns spaghetti. Tizza Covi et Rainer Frimmel, dans leur variation fantasmée sur la vie de Vera, montrent à quel point elle est toujours ramenée à lui, quoi qu’elle fasse. Une scène du film la présente d’ailleurs en train de dialoguer avec son amie Asia Argento (fille de Dario Argento), qui joue elle aussi son propre rôle, dans laquelle les deux actrices parlent de leur position paradoxale, tout à la fois privilégiée et dans l’ombre de leurs pères.
Asia Argento, quelle cinéphile es-tu ?
Les cinéastes figurent Vera Gemma à l’aube de la cinquantaine, alors qu’elle est de moins en moins sollicitée par le cinéma et qu’elle doit se réinventer. Leur démarche ressemble alors un peu à celle de Rebecca Zlotowski dans Une fille facile (2019), dans lequel la cinéaste, s’inspirant de la figure de Zahia Dehar, dynamitait les clichés sexistes sur l’hyperféminité. Avec malice, Vera Gemma fait mentir tout ce que les hommes voient en elle, cette supposée superficialité, et emmène le film là où on ne l’attendait pas, sur le terrain du film social, dans une exploration des quartiers pauvres de Rome.
Vera de Tizza Covi et Rainer Frimmel, Les Films de l’Atalante (1 h 55), sortie le 23 août