
Julia Kowalski met les mains dans le cambouis : ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu un film de genre français qui ose autant la boue, le sale, le craspec. Après J’ai vu le visage du diable, fiction inspirée de ce qu’elle a vu des exorcismes en Pologne – déjà avec la Polonaise Maria Wróbel dans le premier rôle – la cinéaste plante son décor dans une ferme en France tenue par une famille d’origine polonaise. Et, grâce à une pellicule granuleuse, elle sublime et amplifie toutes les aspérités de ce terrain.
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On renoue alors avec les sensations de désorientation fangeuse et nocturne de films tels que Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper ou Wake In Fright de Ted Kotcheff, autres satires effrayantes de la famille dysfonctionnelle ou de la masculinité prédatrice auxquels la réalisatrice fait malicieusement référence. Mais le film auquel on pense le plus, c’est Carrie de Brian de Palma, car Que ma volonté soit faite porte avant tout sur ce sentiment d’être monstrueux, que l’on peut parfois éprouver quand on grandit, qu’on découvre son corps, surtout en tant que queer.
Avec la même intensité, le même sens de l’étrange et du baroque, Julia Kowalski capte cet éveil au désir lesbien que ressent l’héroïne pour sa voisine au sein d’un univers mascu et hétéro. Tandis que les vaches meurent autour d’elle, expulsant un liquide visqueux à mesure qu’elle éprouve des choses, elle-même agitée de spasmes, celle qui la fascine (Roxane Mesquida, déjà sorcière queer dans le culte Kaboom de Gregg Araki) est vilipendée parce que sa féminité menace l’ordre établi. La cinéaste filme la violence bouffonne, grimaçante de la meute à leurs trousses, tandis que la jeune fermière amplifie l’apprentissage puis le déchaînement de ses pouvoirs, jusqu’à un final spectaculaire, en apothéose.
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Cette ampleur-là, on ne la rencontre pas si souvent dans le cinéma français. Et ce qu’il y a de jubilatoire, c’est qu’elle s’accompagne d’un refus de l’esprit de sérieux, une envie d’embrasser le côté fou, sensationnel et fun du film de genre – Julia Kowalski n’hésite pas à s’approprier la figure honnie et pas si facile du jumpscare par exemple, cette manière de nous faire sursauter, en sachant si bien mêler effroi, surprise, et plaisir.
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