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Vu à Venise 2022 : « Pour la France » de Rachid Hami
- David Ezan
- 2022-09-05
Révélé par Abdellatif Kechiche dans « L’Esquive » (2004), le cinéaste Rachid Hami signe un second film écrit avec les tripes, où il raconte l’exil de sa famille algérienne et surtout le destin tragique de son propre frère, décédé en 2012 à l’école militaire de Saint-Cyr.
Il aurait pu mourir pour la France. Mais il est mort pour rien, ou si peu ; pour un cruel bizutage entre camarades de la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr, où il se rêvait en futur lieutenant. C’est ainsi que débute le film : dans la douleur d’une famille, recueillie face à la dépouille du jeune Aïssa (Shaïn Boumedine, autre perle kechichienne). Patiemment, Rachid Hami déroule alors le fil d’une histoire où se télescopent déchirures nationale et familiale ; l’exil vers la France, l’abandon du père, la fratrie distendue.
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Lire la critiqueQu’on ne s’y méprenne : sous ses grands airs de fresque patriotique, Pour la France cache un trésor autrement plus précieux. Celui d’une rivalité sourde entre Aïssa, l’enfant chéri qu’on pleure, et son frère Ismaël (Karim Leklou), le mal-aimé à qui rien n’a réussi. Le cinéaste s’y penche à l’occasion d’allers-retours à Taïwan, lors d’une visite d’Ismaël à son frère, et trouve une belle échappée romanesque à ce décentrement inattendu. Sur ces terres lointaines, Aïssa apparaît déjà comme un fantôme, une étoile filante, et les querelles d’ego avec Ismaël n’en sont que plus émouvantes car dérisoires. C’est ce que capte Rachid Hami : la tragédie de la mort qui survient en vol, qui fauche les rêves. Restent alors les souvenirs et peut-être le cinéma.
Image (c) Memento Distribution