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Jacques Demy débarque sur Netflix : nos cinq films préférés

  • Trois Couleurs
  • 2020-05-13

Les Parapluies de Cherbourg, Peau d’âne… Neufs films de Jacques Demy sont disponibles sur la plateforme Netflix à partir de demain. On en a sélectionné cinq pour vous donner envie de (re)découvrir son univers enchanté, dans lequel se cache pourtant toujours une grande mélancolie.

Netflix a signé un partenariat avec mk2 (éditeur de TROISCOULEURS). Ce rapprochement événement entre la plateforme de streaming et l’entreprise cinématographique a fait grand bruit le mois dernier. Concrètement, tout un pan de l’histoire du cinéma mondial, tiré du catalogue mk2, sera disponible cette année sur Netflix : David Lynch, Jacques Demy, Xavier Dolan et bien d’autres à venir. Après, entres autres, 12 films de François Truffaut, 9 films de Charlie Chaplin et 4 films de Xavier Dolan, 9 films de Jacques Demy sont disponibles sur la plateforme à partir de demain :

Lola (1961)
La Baie des Anges (1963)
Les Parapluies de Cherbourg (1964)
Les demoiselles de Rochefort (1966)
Peau d’âne (1970)
Le Joueur de flûte (1972)
L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune (1973)
Une chambre en ville (1982)
Parking (1985)

À LIRE AUSSI : Chaplin, Dolan, Demy, Lynch sur Netflix : on a les dates de sortie des films

Pour vous aider à y voir clair, on a dressé notre top 5 (suivi d’un bonus de derrière les fagots).

 

Lola (1961)

À Nantes, la belle Lola (superbe Anouk Aimée, révélée par le film), de son vrai nom Cécile, danse et chante dans un cabaret fréquenté par des marins de passages, qu’elle séduit par ses yeux de biche et son air espiègle. Elle vit une liaison avec Frankie, un Américain qui lui rappelle étrangement son grand amour, Michel, parti faire fortune dans le Pacifique alors qu’elle était enceinte. Un beau jour, elle retrouve par hasard Roland Cassard, un ami d’enfance qui traîne sa mélancolie dans la ville…

Dans ce tout premier long métrage, Jacques Demy pose les bases de son cinéma enchanteur : au son de partitions musicales douces et inquiétantes (composées par celui qui deviendra son fidèle compère, Michel Legrand), il filme amoureusement la ville de Nantes, où il a grandi. Les rues, le Passage Pommeraye, la brasserie de La Cigale, en mouvement permanent, deviennent ainsi le théâtre de chassés-croisés sentimentaux, de départs brutaux et de réminiscences nostalgiques qui infuseront ses prochains films, plus extravagants mais tout aussi touchants dans leur manière de distiller, sous une apparente légèreté, une subtile gravité. Le réalisateur Christophe Honoré, grand admirateur de Demy, a rendu hommage à ce film dans son propre premier long métrage, 17 fois Cécile Cassard, en 2002. • JOSÉPHINE LEROY

 

La Baie des anges (1963)

Jean (Claude Mann) est un modeste employé de banque. La tentation d’une vie moins balisée le prend lorsqu’un de ses collègues l’invite à jouer au casino à Enghien. D’abord réticent, Jean se laisse entraîner et gagne avec la chance du débutant. Avec son gain, il décide de partir à Nice, paradis des casinos. Il y rencontre Jackie (Jeanne Moreau), libre et fière, mais qui ne vit que pour la roulette…

Ici, pas de destins croisés comme dans Lola ou Les Parapluies de Cherbourg, seulement l’histoire d’un couple entraîné par la passion du jeu. Avec ce film, Jacques Demy fait un pas de côté par rapport à la fantaisie de ses chefs-d’œuvre. Sa Baie des Anges décrit avec simplicité et limpidité une passion qui mériterait plutôt le nom d’addiction. Le célèbre travelling arrière et la musique virevoltante qui ouvrent le film nous montrent une Jeanne Moreau fascinante, captive de son vice. La musique de Michel Legrand fait une fois de plus merveille, illustrant ici l’excitation fébrile de la roulette, cet instant ténu où « rien ne va plus » et où tout est possible. • SOPHIE VÉRON

 

Les Parapluies de Cherbourg (1964)

C’est peut-être l’un des films les plus beaux et tristes du monde. Dans Les Parapluies de Cherbourg, Jacques Demy retrace l’histoire d’amour heurtée entre Geneviève, fille d’une marchande de parapluies sans le sou et Guy, un garagiste mobilisé pour la guerre d’Algérie – conflit que le cinéma français a finalement peu abordé… Fan de comédies musicales hollywoodiennes depuis toujours, Demy était frustré que le genre n’ait jamais vraiment pris en France. Qu’importe, en collaborant avec le compositeur Michel Legrand qui l’a convaincu de s’embarquer dans ce projet haut perché qui révéla Catherine Deneuve et fut couronné d’une Palme d’or, il a inventé son propre dérivé français, le film « en-chanté ».

Demy y pose les marques de son monde de rendez-vous manqués, d’érotisme pluvieux et marin, de personnages chantant mais résignés, comme Roland Cassard, le doux rêveur de Lola devenu une sorte d’hommes d’affaires un peu strict. Sous les atours légers d’un premier amour qui semble léviter dans le décor fantasmatique de Bernard Evein, Demy exacerbe les passions à coups d’excès et d’artifice, parti-pris trompeur qui nous avait d’abord laissé penser à une partition sucrée, alors même que ce film faussement émerveillé ne parle que de l’horreur de la guerre, de la solitude, du temps qui a passé, des illusions perdues. Demy creusera encore cette veine sombre dans le très politique Une Chambre en ville (1982), son deuxième film en-chanté sur fond de lutte des classes, de violences conjugale et policière, et de suicide, dans lequel il affirmait son sens de la démesure et du tragique. QUENTIN GROSSET

Les Demoiselles de Rochefort (1966)

Avec ce musical franco-américain sur les trajectoires sentimentales de deux jumelles (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac), Jacques Demy rend hommage à la comédie musicale hollywoodienne pour mieux en déjouer les codes. D’abord par son tournage en extérieur, qui entend faire de la ville un décor vivant prenant pour points cardinaux le pont transbordeur charentais et la place Colbert. Mais aussi en poussant l’artificialité de ses décors – volets bleus, bouches d’égouts repeintes en rose, le tout sublimé par le Technicolor… -, dans lesquels les danseurs se meuvent avec un naturel désarmant, au gré de chorégraphies fluides.

Le génie de Jacques Demy réside aussi dans son utilisation des chansons, liées organiquement par des effets d’échos. Composées par Michel Legrand, ces mélodies rapprochent des amants qui ne cessent de se manquer, préfigurent des rencontres avortées, rendent limpides les désillusions des personnages. Et si Les Demoiselles de Rochefort est sans doute le film le plus optimiste de Demy, il y règne une grande inquiétude, en nous offrant à voir un monde désenchanté où les militaires arpentent les rues sous la menace sourde de la guerre, et dans lequel un crime éclabousse le vernis des apparences… • LÉA ANDRÉ-SARREAU 

 

Peau d’âne (1970)

« Amour, amour, je t’aime tant… » Si vous avez vu au moins une fois l’irrésistible conte de fées de Jacques Demy, ses chansons sont sans doute gravées à tout jamais dans votre mémoire. Inspiré du Peau d’âne de Charles Perrault, qui raconte comment une princesse fuit son château dissimulée sous une peau d’âne pour ne pas être obligée d’épouser son père, ce film musical est un concentré de l’univers de Demy.

Alors qu’il collabore à nouveau avec Catherine Deneuve dans le rôle principal et Michel Legrand pour la musique (les morceaux « Amour, amour », donc, mais aussi « Recette pour un cake d’amour » et « Conseils de la Fée des lilas »), c’est aussi le genre du merveilleux qui lui permet de déchaîner sa créativité visuelle pop. Des robes de princesse aux tons impossibles (« couleur du temps », « couleur du soleil »…) aux effets scintillants sur les pierreries et costumes, en passant par la tonitruante et anachronique arrivée en hélicoptère de la fée (jouée avec malice par l’icône féministe Delphine Seyrig), il s’en est donné à cœur joie. Et il a transmis son plaisir aux spectateurs, puisque le film est son plus grand succès au box office, avec plus de deux millions d’entrées en France en 1970. • TIMÉ ZOPPÉ

 

BONUS : Parking (1985)

Parce que cet opéra-rock est le film le plus mal-aimé de Jacques Demy mais que, pour nous, c’est incontestablement le plus culte, on espère que ce supercut magique des apparitions chantées de Francis Huster (casté à la place de David Bowie, voulu par Demy mais pas disponible) dans le rôle d’Orphée vous donnera envie de le découvrir :

 

Image de couverture : Les Parapluies de Cherbourg © mk2 Films

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