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« Goutte d’or » de Clément Cogitore : le grand envoûtement 

  • Timé Zoppé
  • 2022-05-20

Inlassable explorateur des mythes et des croyances, le Français Clément Cogitore («  Ni le ciel ni la terre », «  Braguino ») revenait à la Semaine de la critique cannoise l’an dernier avec ce drame haletant, porté par un grand Karim Leklou et doté d’un pitch imparable : un jour, un voyant charlatan
 a une vraie vision.

Il en faut, du bagout et de l’aplomb, pour rouler chaque jour les dizaines de clients qui se pressent dans son cabinet de voyance du quartier parisien de la Goutte d’or. Ramsès, aidé de plusieurs complices, a mis au point une combine efficace pour faire croire à ses dons mystiques. Renfermé dans sa morne vie privée, sa mine s’illumine dès lors qu’il se met à jouer le jeu de la divination, que ce soit face à une seule personne éplorée venue avec la photo de son proche à contacter dans l’au-delà, ou face à une assemblée massée dans une salle communale de ce quartier populaire de Paris, devant laquelle il prêche comme un gourou.

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Dans ces scènes, l’excellent Karim Leklou parvient à littéralement transfigurer son visage patibulaire, comme si le fait de capter les messages des morts ramenait son triste personnage à la vie. Jusqu’à ce qu’un caillou vienne gripper la mécanique bien huilée de Ramsès : une troupe d’enfants agités débarqués de Tanger vient le consulter – de façon musclée – pour lui demander de retrouver, grâce à son don, l’un des leurs qui a fui avec un paquet d’argent volé. Contre toute attente, à commencer par la sienne, Ramsès est alors touché par la grâce, il voit réellement quelque chose dont il ignorait consciemment l’existence.

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Après les sublimes et mystiques Ni le ciel ni la terre, situé dans un camp militaire, et Braguino, dans une communauté en Sibérie, c’est à nouveau ce terrain du doute, de la foi pas forcément religieuse et du destin que vient arpenter avec grâce Clément Cogitore. Pour retrouver sa route dans sa vie secouée, Ramsès doit traverser les rues et les toits du XVIIIe arrondissement, souvent de nuit, dessinant la géographie d’un pan de Paris qu’on voit moins que d’autres au cinéma.

En célébrant sans condescendance l’énergie d’une jeunesse marginalisée et enragée (on se souvient que Cogitore avait superbement mis en scène l’opéra Les Indes Galantes en intégrant de la danse hip hop) et en sublimant ses personnages, l’architecture et les habitants de la Goutte d’or par des lumières caressantes et scintillantes, le cinéaste réalise un tour de magie : faire du cinéma social français qui prend les atours d’un conte fantastique incandescent. 

Goutte d’or de Clément Cogitore, Diaphana (1 h 38), sortie le 1er mars

Images (c) 2021/Kazak Productions/France 2 Cinema

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