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« The Soiled Doves Of Tijuana » de Jean-Charles Hue : un documentaire raide et fascinant sur l'addiction

  • Corentin Lê
  • 2023-12-01

[Critique] À Tijuana, des silhouettes hantent les rues d’une présence magnétique. En suivant plusieurs toxicomanes à l’allure éthérée, Jean-Charles Hue livre un documentaire cru et poignant en forme d’hommage aux « dames blanches » d’une ville qui lui est chère.

Dans les rues de la Zona Norte, le quartier rouge de Tijuana, au Mexique, de nombreuses toxicomanes errent sans but. Elles tournent en rond, attendent sur le bord des carrefours ou se terrent dans des planques pour se droguer à l’héroïne et trouver le repos. Avec The Soiled Doves of Tijuana, Jean-Charles Hue consacre un documentaire à un lieu qu’il connaît comme le fond de sa poche, l’ayant fréquenté régulièrement depuis une quinzaine d’années.

Sans voix off ni commentaire, le cinéaste y brosse entre autres le portrait difficile de Yolanda, Mimosa ou Clementina, des laissées-pour-compte dont le film capte différents morceaux de leur quotidien : discussions nocturnes, rencontres avec des associations d’aide aux personnes défavorisées, rituels en intérieur, recherche de vivres et de vêtements… Sans misérabilisme, Hue accompagne ces femmes tout en se tenant à distance, conscient de ce qui les distingue. En témoigne par exemple un long et beau regard que Clementina adresse à la caméra au mitan du film, jouant de manière complice avec le dispositif documentaire tout en nous renvoyant à son altérité.

The Soiled Doves of Tijuana allie de cette manière le proche et le lointain, le bas et le haut, le sacré et le prosaïsme du bitume, dans un alliage paradoxal à l’image du cinéma de Hue, qui oscille entre observation sur le vif et sublimation mystique. Son geste de documentariste vise ici à capter la foi et la beauté qui persistent malgré tout dans ce quartier en apparence réprouvé. Pour les scènes en extérieur, Hue laisse la lumière du dehors irradier l’image pour produire des surexpositions qui transforment les corps des toxicomanes en figures angéliques.

« Mange tes morts » de Jean-Charles Hue

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En parallèle, sa caméra joue avec le flou et la mise au point pour mettre en valeur, dans les scènes d’intérieur, les différents accessoires qui ornent ces silhouettes que le cinéaste vient en quelque sorte sanctifier. Lorsque Yolanda recueille un pigeon avec le crâne ouvert, quasi mort mais toujours présent parmi les vivants, elle fait ainsi face à son double : abîmé entre deux mondes, l’oiseau est aussi une « colombe souillée », une « soiled doves ». 

The Soiled Doves of Tijuana de Jean-Charles Hue, The Dark (1 h 22), sortie le 6 décembre. 

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