QUEER GUEST · Hortense Belhôte : « J’aime cette manière qu’a le cinéma queer de faire découvrir aussi le cinéma en tant que tel. »

On a demandé à des figures queer d’âges et d’horizons différents de nous parler des premières images, vues au cinéma ou à la télévision, qui ont fait battre leur petit cœur queer. Aujourd’hui, la comédienne et historienne de l’art Hortense Belhôte, créatrice des « conférences spectaculaires » et de la capsule d’arte.tv, Merci de ne pas toucher, sur l’érotisme dans l’art classique. Cette année, elle propose un escape game féministe et décolonial dans les collections du musée d’Orsay.


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QUEER GUEST est une série d’articles issue de , le cinéma LGBTQ+ raconté par la journaliste Timé Zoppé.

« Mon premier souvenir, c’est Thelma et Louise [de Ridley Scott, 1991, ndlr]. C’était pas au cinéma mais genre une cassette vidéo, en soirée chez des gens, quand les enfants à un moment s’ennuient, il faut les mettre dans un coin. Je pense que j’avais 12 ans. Ça a été une révélation à la fois queer et dépressive. C’est-à-dire que c’était aussi la première fois que je voyais la question du suicide, en tout cas que c’était lié. Il y a cette double fin, le film se termine avec un baiser entre deux femmes [les héroïnes, jouées par Susan Sarandon et Geena Davis, ndlr] et un suicide. Ça arrive comme une réponse à tout ce qu’on voit avant, à une situation intenable. Même si Ridley Scott a fait plein de trucs discutables depuis, je sais que je lui dois quand même beaucoup avec cette double issue, qui est un peu soit l’homosexualité, soit la mort – ou les deux en même temps. Mais en tout cas, montrer qu’il faut s’échapper de cette situation intenable. Ça a été un révélateur.

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Aussi, en voyant ce film, j’ai vraiment compris pourquoi les gens pouvaient être fan d’une œuvre cinématographique. Je crois que c’est la première fois de ma vie que j’ai eu une émotion intense et où j’ai eu la sensation que quelque chose de mon intérieur était exprimé à l’écran. Je suis sortie avec une fille pour la première fois à 23 ans. C’était un long parcours intérieur. Mais justement, assez jeune, cette chose-là a été vraiment fondamentale. Et j’aime beaucoup cette manière qu’a le cinéma queer ou n’importe quel cinéma militant, qui porte des voix minorisées, de faire découvrir aussi le cinéma en tant que tel. Il y avait plein d’œuvres devant lesquelles je ne pouvais pas avoir une émotion intense parce qu’il y avait tellement de figures qui repoussaient mon émotion, mon identité, etc. Il y avait trop peu de choses dans lesquelles je pouvais me projeter. Thelma et Louise n’était pas tellement une révélation de moi-même qu’une révélation du pouvoir du cinéma en soi, qui est de parler à l’âme des gens.

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À l’adolescence, c’était justement un moment où j’allais vraiment pas bien, je regardais en boucle soit Thelma et Louise, soit The Hours [de Stephen Daldry, 2003, ndlr]. Le suicide féminin, c’est quelque chose que je trouve beaucoup trop peu développé au cinéma et que j’aime beaucoup. Aussi sur la question de l’intériorité complexe et sombre des personnages féminins, alors que c’est des films hyper mainstream. J’avais regardé des Bergman et tout, ça m’avait fait un peu d’émotion, mais pas aussi directement. Il y a aussi un truc qui s’est passé en moi quand j’ai regardé Persona [d, mais c’était pas si clair que ça. Avec un bon film américain, quand même, ça marche ! Avec The Hours, c’était aussi la découverte de Virginia Woolf. Dans la vie d’une féministe, c’est un grand moment.

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Je crois qu’après, il y a eu des petits chocs queer plutôt avec des images de sexe explicites, sur Arte. Quand on était gamin dans les années 1990, les seuls trucs chelous sur lesquels on pouvait tomber un peu par hasard, de sexe explicite et de rapport à la solitude ou à la sexualité féminine, c’était sur cette chaîne. Quand j’étais au collège, je me souviens d’une émission pour la journée des droits des femmes, ils avaient fait un truc hyper explicite. Je comprends toujours pas comment ils avaient pas eu de problème avec ça, mais je trouve ça formidable. Je pense qu’on est nombreux à avoir eu nos premières images de sexualité par Arte et c’est plutôt cool. C’était mieux que Canal en crypté. »

 « XIX Escape Game XIX »
Promenades performées et participatives
Les jeudis 29 février, 28 mars et 25 avril, à 19h et 20h30
Salles du musée d’Orsay

« XIX Escape Game XIX – Le spectacle »
Jeudi 30 mai, vendredi 31 mai, samedi 1er juin, à 20h
et dimanche 2 juin, à 16h
Auditorium du musée d’Orsay

« Une histoire du football féminin »
Conférence spectaculaire
Jeudi 4 avril, à 19h30
Auditorium du musée d’Orsay