« Love me tender » d’Anna Cazenave Cambet : l’amour en lutte

Anna Cazenave Cambet adapte avec finesse l’autofiction de Constance Debré, dans laquelle l’écrivaine raconte la perte de la garde de son fils.


Love me tender
© Tandem Films

Une silhouette plonge dans une eau translucide, tatouage à l’épaule gauche, mouvements chaloupés. Cette scène ouvre Love Me Tender, adaptation du roman de Constance Debré, autrice pour qui la natation est plus qu’un sport. C’est une discipline, un outil qui sculpte le corps et resserre l’esprit.

Chez Anna Cazenave Cambet, cinéaste ayant déjà réalisé le beau De l’or pour les chiens (2021), c’est un cadre de cinéma au sens strict : couloirs de nage, lignes graphiques, carreaux bleus. Tout est délimitation. Et si cette pratique est aussi importante dans le film qu’elle l’est dans le livre, ce n’est pas uniquement par fidélité. Car Love Me Tender est, dans le fond, le récit d’une incarcération, celle de Clémence (Vicky Krieps, renversante), avocate devenue écrivaine, bourgeoise devenue précaire, hétéro devenue lesbienne, dépouillée de toutes les conventions faites à l’endroit de sa classe, de son genre. Son ex-compagnon Laurent (Antoine Reinartz, parfait en salaud éploré) ne supporte pas qu’elle rompe avec ses assignations (à travers son personnage, c’est le monde entier autour, homophobe et misogyne, qui résonne) et le lui fait payer.

Anna Cazenave Cambet filme l’attente de la sentence qui décidera si oui ou non Clémence pourra renouer avec son fils, comme le mouvement d’un corps qui va et vient dans une ligne d’eau, allant d’un point A vers un point B, d’une chambre de bonne où elle écrit sur les murs comme une taularde à une coloc, de la ville à la campagne, et d’une amante à une autre. « On ferait quoi si on était dehors ? » demande le petit Paul à sa mère lors d’une séance en centre médiatisé, où il la rencontre sous surveillance. Le dehors, fort heureusement, sous le regard d’Anna Cazenave Cambet, n’est pas dépossédé de sa joie, de sa sensualité, de cette vague de chaleur estivale qui fait rougir les visages, de tout ce qui permet de s’échapper pour préférer se noyer dans le soleil et dans les bras des filles plutôt que dans la camisole du chagrin.

Love Me Tender d’Anna Cazenave Cambet, Tandem (2 h 13), sortie le 10 décembre