
Dans les décombres des films avortés éclosent parfois d’heureux miracles. C’est le cas d’Animal totem, idée cultivée par Benoît Delépine – sans son acolyte hirsute Gustave Kervern – après l’effondrement d’un projet consacré à un cirque dada avec Catherine Deneuve en tête d’affiche. Le barnum itinérant de ce premier film réalisé en solitaire se réduit à un homme, Darius, menotté à sa valise à roulettes, caravane miniature qu’il trimballe de l’aéroport de Beauvais jusqu’au quartier de la Défense.
Au centre de la piste aux étoiles, Samir Guesmi, silhouette dégingandée lancée à travers champs, compose un avatar de clown blanc pourvoyeur d’aphorismes zen, quelque part entre le David Carradine de la série Kung Fu et Jacques Tati. Le don-quichottisme affleure dans ce qu’on découvre être une odyssée vengeresse teintée de surréalisme, tendance anar. Car Darius, sous ses dehors de « petit escargot du capitalisme » en costard cravate, pourfend de sa prose les pollueurs éternels comme les masculinistes, entre autres agents du chaos, croisés chemin faisant.
Punk intranquille, le réalisateur se révèle aussi un moraliste classique dans ce conte voltairien, filmé en UltraScope façon rétine d’animal, réactivant le fantasme d’un retour à l’âge du mythe. Époque lointaine où rien ne distinguait les hommes des autres créatures.
Animal Totem de Benoît Delépine, Ad Vitam (1 h 29), en salles le 10 décembre
