
La pauvreté en face à face
« Richard Avedon réalise ce projet dans un moment difficile pour les États-Unis, qui sortent de la crise pétrolière des années 1970. Le président Ronald Reagan a été nommé et mène une politique extrêmement agressive à l’égard des travailleurs américains. Il y a alors énormément de chômeurs, d’usines qui ferment, de personnes dont les revenus passent en dessous du seuil de pauvreté, et c’est ce qu’Avedon cherche à raconter. Durant toute sa carrière, il a montré son point de vue sur l’état dans lequel se trouve son pays ; ici, il a la volonté de donner à voir les effets de cette politique néo-libérale. »

En rythme
« Chez Richard Avedon, la silhouette est quelque chose d’important : il est attentif à l’effet que produisent ces corps découpés sur fond blanc. Lorsque l’on regarde les portraits, on est d’abord happé, on a tendance à se tenir à un mètre de chaque photo… Mais quand on se recule, on voit qu’Avedon a travaillé le rythme de cette séquence d’images : chaque corps devient comme une note de musique, sur la partition qu’est le mur. Pour l’exposition, on a repris exactement cette séquence, en respectant les pages blanches que le photographe a savamment distribuées au fil des pages. »

La difficulté de la simplicité
« Richard Avedon a commencé comme photographe à l’armée, où il réalisait des photos d’identité des militaires. Il en a gardé une passion pour des images simples, rudimentaires, où les gens sont de face, cadrés à la taille, avec une lumière équilibrée. Pour arriver à cela, il développe un style extrêmement élaboré : il voyage avec des kilos de matériel et, pendant la prise de vue, met en place une sorte de direction d’acteur pour obtenir l’image qu’il souhaite. Roland Barthes dira qu’il y a chez Avedon le paradoxe de tout grand art : rien n’est plus compliqué que de faire simple. »

L’apiculteur mis en scène
« L’apiculteur a une position proéminente, car il s’agit de la 100e photographie du livre. Elle est très importante pour Richard Avedon, car il souhaite introduire dans ce projet une image très mise en scène. Pour la plupart des autres, il a rencontré les gens et les a photographiés ; là, il produit une image qui sort de son imagination, pour faire comprendre à son public que l’Ouest qu’il représente est imaginaire, et qu’il n’est pas plus vrai que celui des westerns de John Wayne. »

Péché originel
« Ce jeune homme a été photographié dans une fête locale au Texas où, une fois par an, les fermiers ont coutume de partir en battue pour capturer des serpents à sonnette, très nombreux dans cette région. Richard Avedon est présent lors d’une de ces réunions annuelles. Cette image est l’une des plus symboliques de la série, car cet homme très jeune a presque un sourire de jeune fille ; cela intéresse le photographe d’avoir une personne à la fois féminine et masculine qui tient entre ses mains un serpent, symbole du péché originel. » *
« Richard Avedon. In the American West », à la Fondation Henri Cartier-Bresson, jusqu’au 12 octobre
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