
Il est aisé, devant l’ouverture de Sirat, de se sentir un peu comme Luis (Sergi Lopez), l’un de ses personnages : complètement perdu. Nous sommes quelque part au Maroc, au milieu d’une free party qui sent la poussière, la sueur et la liberté totale qui n’appartient qu’à ceux qui ne se couchent jamais car ils préfèrent danser. Mais Luis n’y connaît rien. Lui cherche désespérément sa fille, Mar, disparue depuis cinq mois. Avec son fils Esteban, il distribue sa photo à des teufeurs en descente. Lorsque ces derniers sont dispersés par l’armée, cinq irréductibles décident de poursuivre leur route vers la frontière mauritanienne, vers une autre fête. Mar y est peut-être, alors Luis décide de les suivre.
Le voyage en compagnie de cette bande de marginaux éclopés sera dangereux et mystique. Difficile de ne pas penser au Salaire de la peur ou à Mad Max: Fury Road tant l’objectif est moins l’arrivée que d’exister une dernière fois dans un monde qui s’effondre. Mais le réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe ne mérite pas d’être écrasé sous des références. Que ce soit visuellement, dans sa manière de capter les montagnes, le ciel et la terre qui parfois se confondent, ou avec une bande-son aux vibrations contagieuses signée Kangding Ray, il trouve son propre rythme. En arabe, le mot «sirat » désigne un chemin ; dans la religion musulmane, il s’agit du pont entre le paradis et l’enfer. Au cinéma, c’est celui qu’Oliver Laxe érige entre le monde terrestre et celui, parallèle, où finissent celles et ceux qui sortent hantés par un grand film.
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