« La Conspiration du Caire » : une haletante infiltration politico-religieuse

Tarik Saleh impressionne avec cet époustouflant film d’espionnage dont l’action se situe au cœur d’une université islamique
égyptienne. Récompensée à Cannes pour son scénario, cette fable sur les luttes de pouvoir saisit aussi par ses images et sa force d’incarnation.


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Fils de pêcheur issu de la campagne égyptienne, Adam (joué par l’envoûtant Tawfeek Barhom) décroche une bourse à la prestigieuse université al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’islam sunnite. Mais le grand imam à la tête de l’institution meurt soudainement, et Adam est recruté bien malgré lui par les services gouvernementaux comme informateur au sein de l’université. Le jeune homme se retrouve alors au centre d’une lutte souterraine entre pouvoir religieux et pouvoir de l’État et devient le pion d’un dangereux jeu de manipulation qui menace directement sa vie…

Tarik Saleh : « On se demande parfois si ça valait le coup de tout sacrifier pour une œuvre »

Usant avec virtuosité des codes de l’espionnage, Tarik Saleh s’appuie, comme dans son brillant Le Caire confidentiel (polar qui exposait la corruption de la police égyptienne), sur le cinéma de genre pour mieux réussir une imposante fable politique dépeignant les conflits intérieurs qui rongent la nation égyptienne. À l’Égypte prérévolutionnaire de 2011 et la garde rapprochée du président Hosni Moubarak succèdent ainsi l’Égypte contemporaine du président Abdel Fattah al-Sissi et son pouvoir militaire qui voit d’un mauvais œil l’influence de certains groupes religieux. On retrouve l’épatant Fares Fares (acteur principal du Caire confidentiel) dans le rôle d’un colonel à l’apparence négligée, adepte des coups tordus, qui incarne les contradictions du pays mais se prend d’affection pour l’innocence et la vivacité du jeune Adam.

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La mise en scène millimétrée de Tarik Saleh offre des images à couper le souffle, notamment quand elle orchestre les déplacements d’enseignants et d’étudiants dans la cour de l’université al-Azhar à la manière d’une fresque d’aventure. Le cinéaste bénéficie aussi d’un magistral casting qui réunit, au-delà du touchant duo central, des comédiens d’expérience comme Mohammad Bakri (vu entre autres dans Homeland et dans Le Bureau des légendes) et Makram Khoury (vu dans Les Patriotes ou dans Munich). Venus de différents horizons et ayant déjà participé à des fictions majeures d’espionnage international, ces acteurs achèvent de donner une dimension universelle à cette histoire égyptienne conçue par un réalisateur en état de grâce.