
« Un jour, je n’ai plus pu », lâche Anna Mouglalis, campée au centre de la scène, sous la lumière blanche des projecteurs. Altière et habitée, la comédienne porte le texte d’Ovidie La chair est triste hélas (2023) dans un seul en scène du même nom, première mise en scène de l’autrice. Au fil de ce pamphlet autobiographique, la réalisatrice, autrice et chercheuse raconte comment elle a « arrêté le sexe avec les hommes » dans un texte aussi drôle que percutant.
Punchline après punchline se déploie un récit à l’honnêteté libératrice : celui d’un burn-out suivi d’une grève du sexe hétérosexuel, où les hommes en prennent pour leur grade. Une succession de prises de conscience féministes s’enchaîne : dénonciation de l’hypersexualisation, interactions intéressées, exploitation, violences ; mise au ban de la société pour des prises de position féministes, mais aussi soulagée de ne plus se conformer au désir masculin. La parenté avec les essais Scum manifesto de Valerie Solanas et King Kong Théorie de Virginie Despentes est flagrante.
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Ce spectacle intimiste, durant lequel Anna Mouglalis occupe l’avant-scène en oratrice convaincante et touchante, rend hommage à la forme du récit d’Ovidie – proche du journal intime –, tout en déployant sa force politique. Le texte original, condensé et entrecoupé de vidéos illustratives (scènes de baisers hollywoodiens, concours de mini-Miss et archives gynécologiques), est projeté sur un mobile de lattes dispersées sur la scène. Anna Mouglalis, armée de son timbre rauque et de sa prestance, parvient aussi à subvertir la dureté de ce témoignage. En le partageant, elle fait résonner la force émancipatrice et fédératrice de ce récit personnel à la portée universelle.
« La chair est triste hélas » d’Ovidie, avec Anna Mouglalis, les 28 et 29 novembre au théâtre de la Croix Rousse à Lyon / du 29 janvier au 8 février au Théâtre de l’Atelier à Paris
