
Canine (2009)
Que se passerait-il si des enfants étaient élevés reclus, coupés de la réalité ? C’est la question que s’est posée Yórgos Lánthimos dans Canine, long-métrage récompensé du Prix Un Certain Regard à Cannes et qui raconte le quotidien d’une famille isolée à la campagne. Les enfants, qui ignorent tout du monde extérieur, et s’imaginent entre autres que les avions qui volent dans le ciel sont des jouets, n’ont jamais rencontré quiconque, excepté Christina, une douanière employée par le père pour répondre aux besoins sexuels supposés de son fils. Et c’est par elle que s’insinuera le dérèglement de l’utopie familiale autoritaire, illustration absurde, mais non moins effrayante, du patriarcat imaginé par Lánthimos. Une œuvre totalement obsédante dont la mise en scène est d’une précision glaçante.
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The Lobster (2015)
Dans un futur proche, les célibataires ont la vie dure, et se doivent impérativement de trouver leur âme sœur sous peine d’être envoyés dans un hôtel aux règles étranges. Là-bas, les pensionnaires ont 40 jours pour trouver chaussures à leurs pieds, avant d’être transformés en animaux s’ils ne parviennent pas à trouver l’amour. David (Colin Farrell), résigné, a lui décidé de terminer sa vie dans la peau d’un homard (« lobster » en anglais). Un drôle de choix, à l’image de ce film complètement barré, quintessence du style de Yórgos Lánthimos où s’articule, dans un éclairage sombre et des plans fixes méticuleux, une satire de l’injonction au concubinage.

Mise à mort du cerf sacré (2017)
Thriller aux accents fantastiques, le sixième long-métrage de Yórgos Lánthimos est sûrement le plus dérangeant de tous. Steven Murphy (Colin Farrell), un éminent cardiologue, vit avec sa femme (Nicole Kidman) et ses deux enfants. Le chirurgien entretient également une relation ambiguë avec le jeune Martin Lang, dont le père est mort lors d’une opération que Steven a lui même menée. Un chantage s’instaure alors et, à mesure que les lents travellings avancent et reculent dans les couloirs de l’hôpital, l’angoisse du sacrifice à venir contamine le cœur du spectateur, pris au piège de cette interminable vengeance.

La Favorite (2018)
Lorsque Yórgos Lánthimos s’attaque à l’histoire de la couronne anglaise, les puristes du gotha grincent des dents. En faisant de la reine Anne (Olivia Colman, hilarante) une souveraine capricieuse frôlant la folie, le cinéaste joue avec les stéréotypes féminins pour mieux les désarticuler. La rivalité qui se joue entre Abigail Hill (Emma Stone) et la duchesse de Marlborough (Rachel Weisz) pour obtenir les faveurs de la reine ne vient que renforcer l’absurdité de cette course au pouvoir totalement vaine. La caméra est rapide, le récit, de plus en plus féroce, vire finalement à un jeu de massacre aussi bouffon que savoureux.

Pauvres Créatures (2023)
On pourrait lire le titre de ce film comme un apitoiement devant la ribambelle de personnages désarmés qui peuplent l’œuvre de Yórgos Lánthimos. Il n’en est rien. Adaptation du roman éponyme d’Alasdair Gray, Pauvres Créatures s’attarde sur le personnage de Bella Baxter, une jeune femme enceinte ramenée à la vie par un docteur qui a remplacé son cerveau par celui de son enfant à naître. Dans ce conte déjanté à la mise en scène surréaliste, inspiré tout droit de la fantaisie Alice au pays des merveilles et de l’ambiance gothique de Frankenstein, Emma Stone trône, géniale, incarnant la seule figure d’espérance dans un monde masculiniste empreint de cynisme et de noirceur. Le film est reparti de la Mostra de Venise 2023 avec le Lion d’or.