« Super Happy Forever » de Kohei Igarashi : fantômes proustien

Remarqué en France avec « Takara. La nuit où j’ai nagé » (coréalisé avec Damien Manivel, 2018), Kohei Igarashi brouille les pistes du film de deuil attendu avec une narration aussi miroitante qu’inspirée.


Super Happy Forever
© Survivance

Takara. La nuit où j’ai nagé nous avait séduits par sa manière d’isoler des petites choses concrètes pour en tirer une authentique puissance de réenchantement. Dans Super Happy Forever, tout part d’une casquette rouge : flanqué de son ami Miyata, Sano cherche désespérément le couvre-chef dans les couloirs décrépits d’un grand hôtel désert, quelque part sur la péninsule d’Izu, au Japon.

On comprend peu à peu que l’objet, perdu cinq ans auparavant, avait été porté par Nagi, la compagne de Sano. Mais cette dernière est depuis décédée.

La première partie du film, tendue et morose, épouse l’humeur tantôt dépressive tantôt agressive de Sano, qui tente de faire son deuil en menant à bien sa dérisoire quête. Si la casquette-souvenir reste introuvable, le temps perdu finit par trouver sa madeleine : une reprise américaine de Charles Trenet, chantée par une femme de chambre vietnamienne, propulse le film dans le passé, au début de l’histoire d’amour avortée.

Sauf que ce long flash-back proustien est cette fois mené par l’énergique Nagi. Idée simple, élégante, qui permet à Kohei Igarashi de réinventer son récit, ses personnages et ses lieux, leur donnant ainsi une seconde chance inespérée. En accueillant les fantômes dans ses boucles temporelles, le film shunte la nostalgie pour palpiter au présent.

Super Happy Forever, de Kohei Igarashi, Survivance (1 h 34), sortie le 16 juillet