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Pour Criterion, Kelly Reichardt dresse son top 10 de films préférés

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-03-06

Pour la prestigieuse édition Criterion, la réalisatrice de Wendy et Lucy propose un top 10 de ses films préférés du catalogue. Des choix étonnants et assez rares témoignant – à l’image de son oeuvre – de son goût pour un cinéma lent et contemplatif.

Alors que son dernier opus First Cow a reçu un accueil très chaleureux à la Berlinale la semaine dernière, la cinéaste a livré son top 10 de la collection des éditions Criterion – spécialisée dans la ressortie DVD et Blu Ray de classiques du cinéma du monde entier. De Robert Bresson à Nicolas Roeg en passant par Jacques Tati et son ami Todd Haynes, Kelly Reichardt propose une sélection radicale, peuplée d’œuvres peu connues du grand public, de portraits féministes avant-gardistes et de films expérimentaux.

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Kelly Reichardt partage avec Robert Bresson l’amour des longs plans contemplatifs et silencieux, où le déploiement des gestes donne corps aux personnages, sans avoir recours à la parole. Rien d’étonnant donc à retrouver dans sa liste le très beau Mouchette (1967), dont elle admire les gestes délicats de l’héroïne (jouée par Nadine Nortier), qui contribuent à donner du mouvement à « un film jamais figé« . Une démarche fondamentale pour la réalisatrice qui montre également une sensibilité certaine au fourmillement de « détails tactiles, comme la façon dont les personnages doivent allumer le feu et le maintenir pour faire leur poterie » présents dans Les Contes de la lune vague après la pluie (1953) de Kenji Mizoguchi.

Une chose est sûre : Kelly Reichardt manifeste un attrait particulier pour le sound design, encensant la « conception sonore si puissante » de La Complainte du sentier (1955) – premier volet de la trilogie d’Apu réalisée par Satyajit Ray. Elle avoue aussi montrer, dans des cours qu’elle donne sur le son, la scène du chef-d’oeuvre burlesque Playtime (1967) de Jacques Tati dans laquelle Monsieur Hulot attend patiemment dans une salle d’attente pendant que le bruit grinçant des plis du fauteuil sur lequel il s’assoit retentit. Tout cela nous rappelle bien-sûr les sons grouillants et organique de la randonnée en forêt d’Old Joy (2006), et le bruit ferroviaire constant dans Wendy et Lucy (2008).

 

La filmographie de Kelly Reichardt est peuplée d’héroïnes anticonformistes en lutte avec leur environnement – on pense à la joyeuse troupe féministe de Certaines femmes (2016), en avance sur leur temps, qui revendiquent avec humour leur indépendance. Mais aussi au personnage déterminé de Michelle Williams dans Wendy et Lucy (2008), bravant la brutalité du monde avec son chien pour trouver un travail. Des figures d’outsiders, un peu loseuses sur les bords mais qui se révèlent incroyablement invincibles. Les films cités par Kelly Reichardt sont justement peuplés de femmes semblables : Rita Tushingham dans Un goût de miel de Tony Richardson (1961), qui quitte son mari pour vivre avec un jeune homme gay alors qu’elle est enceinte, l’héroïne à la dérive de Wanda (1970) de et avec Barbara Loden, qui abandonne sa vie morose pour parcourir les routes avec un voleur.

Cinéaste d’inspiration expérimentale, passionnée de photographie, réalisatrices de clips tournés en Super 8, elle a aussi collaboré en tant que directrice artistique avec Todd Haynes – elle a été accessoiriste et costumière sur son film Poison (1991) et Hal Hartley. Dès ses premiers films, elle instaure une esthétique pleine de contrastes violents (on pense aux plans à la fois minimalistes et romantiques de Old Joy sur la nature, à ceux millimétrés de River of Grass qui tendent vers l’abstraction, le rythme lent et dilaté de Night Moves). Des effets de mise en scène hyper novateurs qui rappellent ceux de Nicolas Roeg, dont Reichardt cite Walkabout, film déstructuré qui mélange les temporalités. Elle évoque également A Poem Is A Naked Person (2015) de Les Blanck – dont la pellicule très granuleuse et charnelle l’a marquée, et qu’elle a utilisée dans Wendy et Lucy et Old Joy. 

Image : Capture YouTube

Esteban Jimenez et Léa André-Sarreau

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