
Le mensonge d’Enric Marco a été découvert en 2005 : ce président d’une association de déportés espagnols n’avait jamais été interné dans un camp nazi. Cette réflexion intense sur l’histoire saisit le vertige existentiel de cette gigantesque imposture.
C’est après avoir tenté de réaliser un documentaire sur Enric Marco que les cinéastes se sont rendu compte qu’il les manipulait, fidèle à sa réputation. Ce retraité disparu en 2022, figure de l’antifranquisme, assénait depuis la fin des années 1970 avoir été déporté dans le camp de Flossenbürg, en Bavière. Pendant des années, il s’est fait le héraut de cette mémoire avec une vigueur et une éloquence sans faille, dans des interventions à la télévision, dans des colloques ou dans des écoles… Seulement voilà, un jeune historien a prouvé qu’il mentait, ce qui a provoqué un énorme scandale.
En l’interviewant lui-même une quinzaine d’heures des années après (et ce ne sont pas les seuls, puisqu’il a aussi fasciné journalistes et romanciers), les réalisateurs ont compris qu’il n’y avait que la fiction pour toucher au plus près la vérité de cette personnalité opaque. Bien leur en a pris, car l’acteur qui l’incarne (Eduard Fernández) sait parfaitement rendre son ondoyance, son habileté à persuader. Haletant lorsque le récit décrit l’étau qui se resserre sur lui avant la découverte de son imposture, le film trouble encore plus quand il le suit après cette révélation, quand il s’entête vaille que vaille dans sa quête de lumière. À l’heure des fake news, il interroge aussi sur la manière dont on raconte et enrobe l’histoire.
Marco. L’énigme d’une vie d’Aitor Arregi et Jon Garaño, sortie le 14 mai, Épicentre Films (1 h 41)