
Il y a beaucoup de belles choses à retenir de ce délicat mélo réalisé par Kenneth Lonergan – déjà auteur de Tu peux compter sur moi et de Margaret. Et, en premier lieu, son magnifique décor : un petit village portuaire du nord-est des États-Unis, dont les hivers rugueux et les paysages endormis viennent idéalement accueillir la tristesse de ce récit endeuillé jusqu’au cœur.
Concierge taciturne, Lee (Casey Affleck) vient de perdre son frère, malade, Joe (Kyle Chandler), lequel laisse derrière lui un fils encore adolescent et un bateau de pêche en panne. Une disparition qui, pour le film, est l’occasion d’ouvrir une trappe sans fond sur le parcours chaotique de cette famille, totalement ravagée par les vicissitudes de la vie, et dont l’existence ne tient plus qu’à un fil. À ce titre, Manchester by the Sea offre à Casey Affleck un nouveau grand rôle d’être absent. Grâce à ce personnage de mâle solitaire et buté, le film prolonge ainsi la fascinante trajectoire de l’acteur, comme prisonnier d’un éternel statut de cinquième roue du carrosse (il se dit que le rôle était originellement destiné à Matt Damon, par ailleurs producteur de Manchester by the Sea) qui le fait errer dans le ciel du cinéma américain tel un vagabond au milieu d’une tempête de neige.
D’un film à l’autre, c’est une manière de ruminer sous sa carcasse de chien battu un même mélange de fatalisme et de résignation, comme s’il s’agissait de montrer à chaque plan que la vie avait pour lui cessé de faire sens depuis longtemps. Un acier idéal pour forger le tempérament renfrogné de ce quidam démoli par le chagrin, qui ne rêve plus de rien mais auquel le film, doux et patient comme un soleil d’hiver, offre une discrète mais bouleversante chance de renaissance.