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Desiree Akhavan, incassable

  • Timé Zoppé
  • 2018-07-12

On la rencontre, robe chamarrée et boucles au vent, sur un toit-terrasse donnant sur l’Arc de Triomphe, alors qu’elle présente son film aux Champs-Élysées Film Festival, mi-juin. Souriante et décontractée, Desiree Akhavan énumère, avec pas mal d’autodérision, les étapes franchies pour en arriver là. Née en 1984 à New York après que ses parents ont fui l’Iran cinq ans plus tôt à la suite de la révolution islamique, la jeune fille solitaire (élue par ses camarades « fille la plus moche de l’école ») parvient à intégrer le prestigieux Smith College, une fac réservée aux femmes, puis étudie la réalisation à la réputée Tisch School of the Arts de New York. À la sortie, cette fan de Noah Baumbach et Catherine Breillat réalise deux courts métrages en essayant d’imiter leur style, mais se foire. « J’ai enterré ces films. Je rêve d’ailleurs de faire un DVD compilant les premiers courts pourris des grands réalisateurs. Quand on débute dans le métier, c’est hyper décourageant de se dire que Paul Thomas Anderson n’a fait que des chefs-d’œuvre. »

Elle bricole ensuite une websérie avec sa compagne d’alors, l’actrice et réalisatrice Ingrid Jungermann. Dans The Slope (2010-2012), elles jouent un couple aux échanges cyniques et homophobes désopilants. Le petit succès critique de la série lui confirme qu’elle doit suivre son instinct. « OK, The L Word, c’est fun, et les scènes de sexe entre filles sont réussies – ce qui est super rare –, mais est-ce que c’est intelligent ? Non. Je veux faire des choses qui fassent réfléchir différemment, avec mon sens de l’humour particulier. » C’est précisément ce mélange d’humour acerbe et de gravité qui fait la fraîcheur de son premier long métrage, Appropriate Behaviour (inédit en France), qu’elle réalise avec un microbudget après s’être douloureusement séparée de Jungermann. Dans cette comédie à peine autobiographique, une vingtenaire, qu’elle incarne, traverse les galères (rupture avec sa copine, lutte pour se reloger dans New York et dire à ses parents iraniens qu’elle est bisexuelle) grâce à un aplomb et un sarcasme qui rappellent la mythique Daria de la série éponyme de MTV.

INTIME PERSUASION

L’engouement avec lequel le film est accueilli à Sundance en 2014 ne l’aide pas pour autant à enchaîner tout de suite avec un deuxième long. « On ne me proposait que des scripts qui ne devraient jamais sortir du tiroir, genre sur deux folles qui ont besoin de trouver un mari pour se calmer… » Son vif féminisme lui intime de tout envoyer balader et de plancher sur une série comique, The Bisexual, traitant de la difficulté d’être à cheval entre les vécus homo et hétéro. Elle la pitche à Los Angeles, on lui claque la porte au nez. « Hollywood s’en fout si le projet n’a pas déjà été fait », s’atterre-t-elle. Coriace, elle se tourne vers les chaînes anglaises et obtient gain de cause : la série, actuellement en montage, et dans laquelle elle tient le premier rôle, sera diffusée en octobre sur Channel 4. C’est depuis son nouvel appart londonien qu’elle a réussi à boucler l’écriture de son deuxième long métrage, adaptation d’un roman d’Emily M. Danforth, The Miseducation of Cameron Post. Malgré la frilosité notoire des financeurs dès qu’il s’agit d’héroïnes lesbiennes, elle parvient (aidée par l’engagement de Chloë Grace Moretz sur le projet) à tourner, dans une petite ville de l’état de New York, ce beau teen movie mélancolique qui sort chez nous sous le titre Come as You Are. Là encore, elle dépeint des personnages queer loin du stéréotype de martyrs : dans le camp de conversion chrétien où elle est envoyée, l’héroïne se fait deux amis qui ne remettent pas en question leur sexualité. Pour la suite, pas question pour Desiree Akhavan de se reposer sur ses lauriers. « J’aimerais que mon prochain film ait plus de narration visuelle et moins de dialogues. Essayer quelque chose de complètement différent… Je suis prête à l’aventure. » C’est certain.

« Come as You Are »
de Desiree Akhavan
Condor (1 h 31)
Sortie le 18 juillet

Tags Assocíes

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