« Gangs of Taiwan » de Keff : le silence des voyous

Dans ce film neo-noir aux accents tragiques, le cinéaste Keff observe une jeunesse taïwanaise prise en étau entre la violence et l’amour. Une première œuvre ample et désespérée, à l’image de son héros.


Gangs of Taiwan
© Tandem

Quand on le voit pour la première fois à l’écran, Zhong-Han (Liu Wei Chen), la vingtaine, a quelque chose du « samouraï » campé par Alain Delon dans le film de Jean-Pierre Melville. Muet, impassible, on découvre rapidement qu’il mène une double vie : serveur dans le restaurant familial le jour, petite frappe la nuit. Avec une bande de voyous, il dépouille la jeunesse dorée de Taïwan pour noyer son ennui, jusqu’au jour où il doit se retourner contre son propre gang…

Au fin fond des boîtes de nuit poisseuses criblées de néons, dans les artères moites de la ville illuminée, le film parvient à toucher un indicible spleen qui s’éprouve dans un exercice formel virtuose. Quelque chose de l’ennui, du vague à l’âme vient alors s’incarner dans des travellings fluides, des ralentis irréels, de longs plans tristes sur les visages absents. Tout se passe comme si le mutisme du héros, symbole d’une jeunesse hermétique au monde, avait rongé la mise en scène de l’intérieur.

À mesure que Zhong-Han renonce à l’amour, seule forme de rédemption possible incarnée par une jeune fille (Rimong Ihwar), le film mute comme lui pour s’approcher d’un laconisme, d’une épure esthétique. Gangs of Taïwan apparaît alors tel qu’il est – comme un mouvement impitoyable vers la violence, et la solitude de ceux qui l’ont choisie.

Gangs of Taiwan, de Keff, Tandem (2 h 15), sortie le 30 juillet