Yannick Cochennec : «Les joueuses arrivent à maturité plus tôt que leurs homologues masculins »

Dans « La Méthode Williams » de Reinaldo Marcus Green (sortie le 1er décembre), Will Smith incarne le plus ambitieux des pères : celui de Venus et Serena Williams, élevées pour devenir des légendes du tennis. On en parle avec Yannick Cochennec, rédacteur en chef adjoint de « Tennis Magazine » entre 1997 et 2007 et journaliste indépendant spécialisé en golf et en tennis.


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Comment Richard Williams était-il vu sur le circuit du tennis féminin ?

C’était un personnage d’une stature folle, qui pouvait paraître cinglé alors qu’il était très conscient de ce qu’il faisait. Son histoire est dingue. En juin 1978, il regarde la finale féminine de Roland-Garros à la télévision. Le chèque empoché par la gagnante, la Roumaine Virginia Ruzici, lui donne une idée : il fera de ses enfants – qu’il n’a pas encore – des cadors du tennis. La destinée de Venus et Serena, qui naissent en 1980 et 1981, est toute trouvée. Certes, Richard Williams les a programmées pour gagner, mais sans jamais se mettre en avant. Dès le début des années 2000, il s’est d’ailleurs mis en retrait pour laisser Serena et Venus mener leur carrière sans lui

Les sœurs Williams semblent avoir été marquées au fer rouge par l’éducation que leur a donnée leur père. Que penser de la façon dont il les a modelées dans le but de devenir de grandes joueuses ?

Il ne leur a pas donné le choix : elles allaient devenir des championnes de tennis, un point, c’est tout. En revanche, leur mère, Oracene Price, et lui ont toujours tenu à en faire des jeunes filles épanouies, indépendantes, avec d’autres passions que le tennis. Les sœurs Williams n’ont jamais vécu sous l’emprise de leur père, et elles ont visiblement pris beaucoup de plaisir à mener leur carrière. En 1997, après sa première performance marquante, Venus déclarait que sa carrière de joueuse ne durerait pas longtemps parce qu’il y avait des choses plus intéressantes dans l’existence. Nous sommes en 2021 et elle est toujours sur le circuit.

Loin du modèle de réussite et d’épanouissement des sœurs Williams, d’autres tenniswomen ont vécu des relations autrement plus traumatisantes avec leur père…

Les joueuses arrivent à maturité plus tôt que leurs homologues masculins, d’où le fait que les parents sont très présents. Depuis que le tennis féminin est devenu pro, on a effectivement pu assister à de nombreux drames dus à des pères trop agressifs ou violents. En 1993, Mary Pierce avait fait la une de la revue Sports Illustrated à propos des menaces de mort prononcées par son père, Jim, avec pour titre « Pourquoi Mary Pierce craint pour sa vie. ». On sait que, après certaines défaites, des joueuses comme Jelena Dokić, ancienne quatrième mondiale, ou Andrea Jaeger, finaliste à Roland-Garros en 1982, ont subi des violences physiques de la part de leur père respectif. Brisée, Jaeger a vite abandonné le circuit pro pour devenir religieuse et se consacrer à l’enfance maltraitée. On ne compte plus les pères de championnes qui ont usé et abusé de leur domination au détriment de la santé mentale et de la carrière de leurs filles.

La Méthode Williams de Reinaldo Marcus Green, Warner Bros (2h18), sortie le 1er décembre.

Image (c) Warner Bros. Entertainment Inc.