Serait-ce devenu une obsession ? Il y a vingt ans, le réalisateur italien Marco Bellocchio s’intéressait, dans Buongiorno, notte, au parcours d’une terroriste des Brigades rouges impliquée dans l’enlèvement et la séquestration d’Aldo Moro. En 1978, ce président de la Démocratie chrétienne, artisan d’une alliance inédite entre son parti et les communistes, avait été kidnappé par les activistes d’extrême gauche pendant cinquante-cinq jours, avant d’être assassiné. Mais il fallait bien un format sériel pour s’atteler pleinement à cette affaire qui a bouleversé l’Italie et dit tant du rapport complexe que le pays entretient à la politique.
Esterno notte, diffusée sur Arte jusqu’à début juillet, propose le contrechamp du film et en élargit la focale. Buongiorno, notte était circonscrit au lieu de séquestration d’Aldo Moro et au quotidien d’une activiste. En six épisodes, la série suit les mêmes événements selon les points de vue du ministre de l’Intérieur de l’époque, d’une terroriste, de la femme de Moro et de son grand ami, le pape Paul VI (Toni Servillo). Sur ce procédé à la Rashōmon, Marco Bellocchio embrasse les codes de la tragédie, monologues introspectifs, fatalité qui s’abat sur les personnages et lyrisme d’un requiem de Verdi à l’appui.
Le cinéaste s’autorise des libertés avec l’histoire et des pas de côté vers le grotesque, faisant des anciens alliés de Moro des pantins prêts à sombrer dans la folie. Se dessine alors un regard désabusé sur la politique italienne. Sans cynisme, en témoigne son Aldo Moro (remarquablement interprété par Fabrizio Gifuni), allégorie de la dignité. Mais Bellocchio fait de cette affaire, somme de trahisons et de renoncements, à la fois le symbole et le point de départ d’une incapacité du pouvoir, à laquelle ne répond que l’impuissance des rêves révolutionnaires.
jusqu’au 13 juillet sur Arte.tv