
Yes, musicien de jazz (Ariel Bronz), et sa femme Yasmin (Efrat Dor), danseuse, gagnent leur vie en divertissant la jet-set de Tel-Aviv, à qui ils offrent leurs chansons, leurs danses et leurs corps. Leur quotidien décadent est une gueule de bois sans fin, que l’offensive meurtrière du Hamas contre Israël et les ripostes de l’armée israélienne dans la bande de Gaza en octobre 2023 écorchent à peine. Jusqu’au jour où Y., sur demande du gouvernement, accepte d’écrire une mélodie patriotique et guerrière, devenant un agent de la propagande israélienne…
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Nadav Lapid nous a habitués à fréquenter des personnages en résistance. De toute sa filmographie (Synonymes, Le Genou d’Ahed, Grand Prix à Cannes en 2021…)-, Y. est le premier de ses héros qui ne se cogne pas au pouvoir, se vautre dans l’indifférence. Cette posture morale est un carburant narratif fascinant, d’une ambiguïté tenace (Y. a fait de la résignation un geste politique, affirmant que « la soumission, c’est le bonheur ») autant qu’un principe de mise en scène.
Puisqu’Y. est un bouffon du roi, Nadiv Lapid en fait le pantomime d’une comédie musicale obscène, cacophonique. On n’y parle presque pas, mais on y chante du Elvis Presley avec des chefs militaires, on y esquisse des chorégraphies furieuses au milieu d’une cuisine, on y lèche (littéralement) les bottes d’un boys club de dictateurs sur de la disco. Nadav Lapid ne lésine pas sur la provoc. Le malaise guette derrière chaque geste banal, l’imprévisible est de mise. Mais l’allégresse de sa mise en scène, son sens de la rupture n’est jamais vain, gratuit.
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