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Steve McQueen et Bianca Stigter : « On voulait ramener à la surface des fragments ensevelis par l’histoire »

  • Timé Zoppé
  • 2024-04-24

Steve McQueen, cinéaste britannique oscarisé pour « 12 Years a Slave », raconte dans « Occupied City » l’histoire de l’occupation nazie à Amsterdam, où il vit avec sa compagne et productrice, la réalisatrice et historienne Bianca Stigter. Inspiré par un livre de cette dernière (Atlas of an Occupied City. Amsterdam, 1940-1945, publié en 2019), ce portrait magistral de la capitale néerlandaise mêle le passé et le présent dans une forme vertigineuse. On a rencontré le couple à Paris.

Occupied City est l’adaptation de votre livre, Bianca. Quelles ont été les impulsions pour ce projet et comment se sont déroulées les recherches ?

Bianca Stigter : Le temps des recherches fut long. J’étais curieuse de l’histoire de la ville, de ses rues. Je voulais vraiment savoir ce qui s’était passé dans les espaces qui m’entourent, en particulier au moment de la Seconde Guerre mondiale et durant l'Holocauste. On ressent qu’il y a comme des fragments ensevelis par l’histoire et je voulais les ramener à la surface. Créer une sorte de machine à remonter le temps pour déambuler dans la ville telle qu’elle était en 1940.

Et vous, Steve, comment avez-vous eu l’idée de faire de ces recherches un film ?

Steve McQueen : La première fois que je suis venu à Amsterdam, j’ai ressenti qu’une autre histoire se déroulait en parallèle de la mienne, que je vivais avec des fantômes. Il y avait deux existences qui cohabitaient : le passé et le présent. Je voulais trouver une incarnation à ça. Donc je me suis dit : pourquoi ne pas retrouver des images d’archives de la ville en 1940, et les superposer à des images des mêmes lieux aujourd’hui ? J’aurais ainsi les vivants et les morts dans un même plan, je pensais que ça pourrait être intéressant.

Mais un jour, à la maison, j’ai entendu le son de quelqu’un qui tapait sur un clavier. C’était Bianca qui écrivait Atlas of an Occupied City. C’est là que je me suis dit : et si le passé était le texte, et le présent les images ? Ça a été le début du film [dans le film, le texte écrit par Bianca, racontant Amsterdam pendant l’Occupation allemande par des faits très précisément documentés, est lu par une voix off sur les images contemporaines de la ville, ndlr].

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Le film dure 4h26. Pourquoi était-il important pour vous de proposer un format aussi peu conventionnel pour une sortie en salle ?

S.M. : Il s'agissait d'être fidèle au sujet. Pour moi, le film est presque trop court pour ce que nous tentions de réaliser.

B.S. : Nous ne voulions pas nous contenter de capter des dates et des lieux, on voulait entrer dans les détails de ce qui s’est passé, dans ce qui fait la force de l'histoire, ce qui la rend vivante, réelle. Il faut savoir que le livre recense les histoires qui se sont déroulées dans près de deux mille bâtiments d’Amsterdam, et que ces lieux ont tous été filmés, mais tous ne sont pas dans le film [le film raconte les histoires, pendant l’Occupation, d’environ cent trente de ces lieux - immeubles d’habitation, bâtiments municipaux, parcs, écoles… ndlr].

Steve, vous avez commencé à tourner avant la pandémie du Covid. Quels ont été les plus grands défis auquel vous avez dû faire face ?

S.M. : Cela relevait surtout de la logistique, notamment pour obtenir l'autorisation de filmer, lorsqu'il y avait un confinement et des couvre-feux. Cette situation était tellement imprévisible... Mais en réalité, ce contexte a beaucoup apporté à l'image. En tant que cinéaste et artiste, il faut s'attendre à l'inattendu.

Comment avez-vous pensé l’aspect formel du film ?

S.M. : Je pensais à l'idée d'être perdu dans une ville, à une forme d’errance quand on arrive dans une nouvelle ville, à un retour sur soi. J’aime l’image d’un jardin anglais, qui a quelque chose de sinueux, par opposition à un jardin français, qui est très symétrique.

Comment avez-vous pensé le premier plan d’Occupied City ?

S.M. : Ce qui m'intéresse, c'est comment amener un sujet aux spectateurs. Dans Occupied City, c’est très trivial, ordinaire – c’est comment l’ordinaire devient extraordinaire. Dans le premier plan, une femme sort de sa cuisine, ouvre une trappe dans le sol et descend dans sa cave. Et on découvre alors [grâce à la voix off, ndlr] que quelqu'un cachait des gens dans cette cave et que certains de ces gens ont mis fin à leurs jours, que d’autres se sont échappés. Puis la femme ressort de la cave et en referme la trappe, et retourne à la cuisine. C’est cet ordinaire qui fait que l’histoire va nous sembler proche. Ce n’est pas une histoire lointaine ou exotique.

: Occupied City de Steve McQueen (mk2, 4h26), sortie le 24 avril. Pour réserver votre place, cliquez ici.

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