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Signe Baumane : « J’essaie de raconter mon histoire en la retravaillant pour qu'elle devienne universelle »

  • Clémence Dubrana-Rolin
  • 2023-06-09

La cinéaste signe avec son second long métrage "My Love Affair with Marriage" (mention du jury à Annecy en 2022) un très beau coming-of-age féministe et poétique, qui raconte l’histoire d’une étudiante rebelle de l’Est soviétique, confrontée à ses idéaux d’amour et de mariage. Rencontre.

Comment est né ce projet ?

J’ai réalisé des courts métrages sur le sexe et un long métrage sur la dépression, alors je dis toujours que j’ai voulu combiner les deux en faisant un long métrage sur le sexe et la dépression, soit le mariage ! Plus sérieusement, mon premier long métrage évoquait l’histoire de ma famille [la réalisatrice est née en Lettonie, et vit actuellement à New-York, ndlr] : cent ans d’histoire de suicides et de dépressions de femmes. C’était donc un sujet très proche de ma vie. My Love Affair With Marriage ne m’est pas aussi proche. C’est un peu plus éloigné de mon histoire parce que c'est une forme plus stylisée de narration. Ce qui m’intéressait dans ce film, c’était de savoir ce que l’on ressent en tant qu’être humain, et le raconter d’un point de vue intérieur.

Ce récit s’inspire donc en partie de votre vie. Comment avez-vous équilibré réalité et imaginaire ? 

Pour moi, le plus important est de savoir si c'est une bonne histoire et d’avoir une réelle motivation à la raconter. Raconter une histoire sur une durée de plus d’une heure et demie, c’est long, et je ne veux pas ennuyer le public. Parfois, quand on met trop de détails personnels, j'ai l'impression que les spectateurs se sentent moins concernés, parce qu’ils ne peuvent pas s’identifier. J’essaie donc de raconter mon histoire en la retravaillant pour qu'elle devienne plus universelle. Il ne s'agit donc pas de moi, mais de n'importe qui dans le monde.

« My Love Affair With Marriage » de Signe Baumane

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Les techniques d’animation utilisées sont assez diverses. Pourquoi avoir voulu en utiliser plusieurs ?

J’explore la vie de Zelma dans quatre mondes différents, et chacun est représenté par une technique particulière. Il y a tout d’abord le monde réel où vit Zelma, où elle est consciente de ce qu’elle vit. Pour ce monde, nous avons utilisé des arrière-plans en 3D que j'ai construits avec du bois, du papier ou d’autres objets [les protagonistes cartoonesques sont placés dans des décors en carton, ndlr]. L’autre monde est biologique : on voit ce qu’il se passe dans le corps de Zelma.  Normalement, vous n'êtes pas conscient de ce qui se passe dans votre corps. Pourtant, c'est une partie importante de la vie. Sur cette vie intérieure, le but était de séparer le monde conscient de la réalité de celui de la biologie qui habituellement n’est pas accessible. 

Le troisième monde est l'imagination de Zelma. Pour ce monde-là, ce sont des dessins qui apparaissent. Lorsque quelque chose lui arrive et qu'elle est confrontée à un problème ou à une question, elle essaie de l'assimiler dans son esprit et ainsi de traiter le monde qui l’entoure. Le quatrième monde dans lequel elle vit est politique. Tout être humain vit dans un monde politique. C'est ainsi que Zelma vit enfant à Sakhaline [une île russe, ndlr], sans savoir qu'il y a un plus grand pays. Puis, lorsqu'elle commence à voyager, elle se rend compte qu’il y a l’URSS. Elle se retrouve par la suite en Lettonie. Et puis une autre chose se produit : l'Union soviétique s'effondre et le pays dans lequel elle vivait par la même occasion. Le monde autour d'elle devient soudain très coloré, ce qui était une façon de montrer son évolution.

En quoi consiste le montage d’un film d’animation?

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Vous avez une approche très scientifique. Le personnage de Biologie apporte des explications neurologiques aux agissements de l’adolescente. Pourquoi ? Quels défis ça a posé ?

Dès le début de l'écriture du scénario, je savais que je voulais y mettre de la science. Mais je n’avais pas assez d’argent pour payer un scientifique qui aurait travaillé avec moi. J’ai donc fait mes propres recherches, ce qui a nécessité beaucoup de travail. Pour ce faire, je suis allée sur Internet, j’ai eu accès à des documents universitaires, j’ai beaucoup lu. A la fin de mes recherches, je n’avais pas suffisamment confiance en moi et surtout de légitimité pour affirmer tous mes propos. J’ai donc tout fait relire par Pascal Wallish, professeur à l'université de New York, et je lui ai demandé d'examiner tout ce que j'avais écrit. Il m'a dit : "C’est pas mal, mais vous ne pouvez pas présenter des thèses non vérifiées. Il faut pouvoir prouver chaque thèse dix fois.” J’ai alors fait relire par différents professionnels qui ont validé les propos et le film a ainsi pu sortir.

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