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Nicolas Mathieu, quel cinéphile es-tu ?

  • Quentin Grosset
  • 2022-03-09

Prix Goncourt en 2018 avec « Leurs enfants après eux », roman sur des ados du Grand Est dans les années 1990, l’écrivain Nicolas Mathieu poursuit dans le registre social avec le mélancolique « Connemara », qui s’interroge sur le vertige de la midlife crisis de deux quadras nancéens. On a demandé à l’ancien étudiant en cinéma de nous parler des films qui l’ont construit.

Vos trois films préférés ?

Les films de chevet, il y a toujours une rotation. Ceux que je vais citer pourraient être différents demain. Il y aurait d’abord Rocky (1976). C’est un film qui m’a vraiment regardé grandir, j’ai dû le voir pour la première fois à cinq ans et je le revois presque tous les ans, il dit quelque chose sur la ténacité des tocards, sur ce que c’est de n’être jamais le meilleur.

Le Feu follet (1963) de Louis Malle me touche pour son côté plus littéraire, sa mélancolie, une forme de dandysme à laquelle j’étais très sensible par le passé. Je me suis inspiré de la scène où le héros regarde les clients d’un café pour la rechute de Patrick dans Nos enfants après eux, quand il se remet à boire. C’est l’idée de la brûlure du premier verre pour les abstinents. Norma Rae (1979). C’est l’histoire d’une femme qui crée un syndicat dans une usine où les gens sont exploités. Je suis très amoureux du cinéma américain des années 1970, et celui-là a un aspect social qui me parle.

Décrivez-vous en trois personnages de fiction.

Benjamin dans Le Lauréat (1968) de Mike Nichols. Pour des raisons que je ne préciserai pas, je me suis beaucoup identifié au parcours de ce personnage. Edward aux mains d’argent dans le film de Tim Burton, qui est grand sur ce que c’est que d’être un pauvre type et de surmonter ça par la création. Et puis Bertrand Morane dans L’homme qui aimait les femmes (1977) de François Truffaut. Dans ce film, il y a un lien fait entre le désir de plaire et la fragilité narcissique qui me touche beaucoup.

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Trois films qui ont compté quand vous étiez étudiant en cinéma ?

J’ai vu La ligne rouge (1998) de Terrence Malick, et ça a été un déclencheur. Alors étudiant en histoire, j’ai décidé de poursuivre des études de cinéma à l’université de Metz. J’y ai rencontré quelques grands profs, notamment Laurent Jullier, que je continue à lire beaucoup. Puis L’Abécédaire de Gilles Deleuze (tourné en 1988 et diffusé sur Arte en 1995), un choc philosophique, ça a été très important.  Et enfin Sunset Boulevard (1950), dans un cours Jullier faisait une analyse filmique de la séquence d’ouverture : en un travelling, elle raconte tout le film. Quand j’écris, je pense beaucoup à ça, aux couches de sens qui s’empilent dans un roman, certaines sont tout de suite accessibles, d’autres plus métaphoriques.

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Trois films qui ont bien représenté l’Est de la France ?

La Grande illusion (1937) de Jean Renoir, ça se passe près du château du Haut-Koenigsbourg en Alsace, et quand on était petits, c’était comme un film fétiche sur cet endroit. Les Grandes Gueules (1965) de Robert Enrico, un western vosgien. Il y a mon père qui passe dans le film, il a 18 ans, on le voit sur deux photogrammes à peine avec ses frères : ils ont des coupes bananes, ils fument des cigarettes, ils se la pètent et ils ont toute la vie devant eux. Chaque fois que je vois ces images, je mesure à quel point le cinéma fixe quelque chose du temps qui passe, ça m’émeut beaucoup. Petite nature (2021) de Samuel Theis, une merveille qui dit des choses sur ces lieux de la manière la plus délicate et intelligente possible.

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Trois films qui vous rendent nostalgique, comme un vieux tube qui passe sur l’autoradio ?

Il y a la voix de Jean Topart, la voix du conte, qu’on entendait dans les films de mon enfance et dans le dessin animé Les Mystérieuses cités d’or. Avant d’être cinéphile, j’étais téléphage. La Soupe aux choux (1981), peut-être le premier film que j’ai enregistré au magnétoscope dans les années 1980. Et puis Karaté Kid (1984), je l’ai vu avec ma mère au cinéma, puis plus récemment sur Netflix avec mon fils.

Trois films qui ont marqué votre génération ?

Terminator 2 : Le Jugement dernier (1991) de James Cameron, le premier film que je suis allé voir deux fois au cinéma. C’était l’époque des premiers films en THX. Le son dans la salle, c’était fou. My Own Private Idaho (1991) de Gus Van Sant, un film qui pue les années 1990. C’est un moment où j’accède à un cinéma plus adulte, déviant, marginal. True Romance (1993) de Tony Scott, le bonbon total, avec de l’action, de l’amour, des scènes d’anthologie jusqu’au grotesque. On fumait des pet’ toute la journée avec mes potes en regardant des films comme ça.

Gus Van Sant, force tranquille

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Trois films qui s’interrogent sur ce qu’est la réussite ?

Working Girl (1988) de Mike Nichols. Une jeune femme se bat pour réussir à New York et en même temps, t elle se dit « est-ce que ça vaut vraiment le coup ? » The Mosquito Coast (1986) de Peter Weir avec Harrison Ford. Un génie scientifique décide d’abandonner la civilisation pour partir refaire sa vie dans la forêt. Un robinsonnade qui se demande si, la vraie vie, ce n’est pas se tirer. There will be blood (2007) de Paul Thomas Anderson, qui réfléchit sur les riches et puissants qui passent à côté de leur existence.

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Connemara de Nicolas Mathieu, Actes sud

Portrait par Bertrand Jamot © Astrid di Crollalanza

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