Alejandro Amenábar: « Je déteste les films qui se disent plus profonds qu’ils le sont réellement »

3 films qui vous ont donné envie d’être réalisateur ?

2001, L'Odyssée de l’espace, Lawrence d’Arabie et Les Dents de la mer. Pour quelqu’un qui s’intéresse à l’art de faire des films, ce sont trois leçons de cinéma. Mais surtout, il s’agit toujours de voyages, dans l’espace, dans le désert ou pour une aventure géniale que je revois tous les ans.

3 périodes historiques que vous trouvez particulièrement intéressantes ?

 L’Antiquité romaine, que j’ai explorée dans Agora, est pertinente pour comprendre le présent. D’ailleurs, j’ai vu lors de l’attaque du Capitole aux États-Unis, il y a deux ans [lorsque des partisans de Donald Trump ont pris d’assaut le Congrès américain pour tenter de faire annuler l’élection de Joe Biden, ndlr], un parallèle évident avec les événements que nous avions recréés dans le film [la révolte des chrétiens qui assiègent la bibliothèque d’Alexandrie, ndlr]. L’histoire ne me passionne pas en tant que telle, mais dans sa façon d’éclairer l’actualité. Aujourd’hui, le siècle répète le précédent, avec un possible retour du fascisme. Et en même temps, tout avance si vite avec l’intelligence artificielle que je me demande s’il ne vaut pas mieux s’engager dans de la science-fiction pour être à la page. Finalement, l’époque actuelle est sûrement la plus intéressante.

3 films d’horreur qui vous ont fait le plus peur ?

L’Enfant du diable de Peter Medak joue avec très peu d’éléments. C’est un film tout en suggestion sur ce qu’on ne peut pas voir. Même chose avec Alien de Ridley Scott. Pendant longtemps, on ne voit pas vraiment le monstre, tout est le produit de sa propre imagination. Et je suis obligé de citer le deuxième volet, Aliens, le retour de James Cameron. Le personnage de Ripley est bien développé et l’évolution du monstre en armée de créatures est une excellente idée.

3 personnages féminins que vous admirez ?

Celui de Susan Wheeler, joué par Geneviève Bujold, dans Morts suspectes, un thriller formidable. Bien sûr, j’ai adoré Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent. Et je crois que j’aime n’importe quel personnage joué par Meryl Streep. Je choisirais peut-être la terrifiante Miranda Priestly dans Le Diable s’habille en Prada.

3 réalisateurs espagnols ou sud-américains dont il faut suivre le travail ?

Ce que fait Rodrigo Sorogoyen en Espagne est incroyable. Son dernier film, As bestas, était superbe. J’adore sa mise en scène mais aussi sa direction d’acteurs. Bien sûr, j’admire Pedro Almodóvar, mais aussi le travail de Lucrecia Martel en Argentine.

3 twists qui marchent à chaque fois au cinéma ?

Ceux de Rosemary’s baby et Fight Club, sûrement l’un des films les plus intéressants des années 1990. Cela parle de toute une génération insatisfaite, d’une crise de l’identité et de la masculinité. Et je ne sais pas si on peut vraiment parler de twist, mais la dernière scène de Cinema Paradiso est l’un des moments les plus excitants que j’ai pu vivre au cinéma.

3 films dans lesquels vous aimeriez vivre ?

Je vais citer de nouveau Cinema Paradiso. Quand j’ai vu ce film, je me projetais beaucoup dans l’histoire de ce petit garçon devenu réalisateur. J’adorerais tomber amoureux comme les protagonistes de Call Me By Your Name de Luca Guadagnino. Et puis j’aimerais évoluer dans le décor de Sideways d’Alexander Payne. Cela se passe dans les vignobles californiens, avec un personnage principal en pleine crise existentielle qui finit par trouver quelqu’un avec qui il va pouvoir partager des choses.

 3 choses qui vous agacent au cinéma ?

Je déteste les films qui se disent plus profonds qu’ils le sont réellement. Seul le temps est capable de remettre les choses à leur place : on verra plus tard s’ils méritaient une telle hype. Je suis aussi un peu triste devant les films sans musique. Je sais bien que parfois, elle est trop appuyée, ou peut faire vieillir prématurément un film, mais c’est la musique qui m’a mené au cinéma. Et j’ai beau avoir aimé plein de films très longs, aujourd’hui j’ai la sensation que certains n’ont pas besoin de l’être autant. Je fais partie des cinéastes qui ne tombent pas amoureux de leur matériau et acceptent de le laisser partir si c’est nécessaire.

: Les Autres, ressortie DVD/Blu-ray (Studio Canal) le 8 novembre

 Image de couverture : © Enfoque XL