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QUEER GUEST · Iris Brey : « J’ai été émue de voir un imaginaire que je ne voyais nulle part ailleurs »

  • Margaux Baralon
  • 2023-03-24

On a demandé à des figures queer d’âges et d’horizons différents de nous parler de la première image, vue au cinéma ou à la télévision, qui a fait battre leur petit cœur queer. Cette semaine, la cinéaste, journaliste et essayiste Iris Brey raconte ses rencontres avec les œuvres de Rose Troche et de Chantal Akerman, et comment elles ont infusé jusqu’à la réalisation de sa première série, « Split », bientôt disponible sur France.tv Slash. Présentée hors compétition au festival Séries Mania, cette fiction ultra-référencée avec Jehnny Beth et Alma Jodorowsky met habilement en scène les troubles du désir féminin.

Rebeka Warrior et Maud Geffray ont remporté le prix de la Meilleure Musique Originale au Festival Séries Mania pour cette série

QUEER GUEST est une série d'articles issue de notre rubrique QUEER GAZE, le cinéma LGBTQ+ raconté par la journaliste Timé Zoppé.

J’ai mis très longtemps à trouver des images qui me parlaient. La première chose qui me vient à l'esprit, c’est la série The L Word. Cela a été un énorme moment pour moi. J’avais une vingtaine d’années, j’étais à la fac aux États-Unis et j’avais trouvé des DVD. Après, j’ai découvert Go Fish [1995, ndlr] de Rose Troche et Je, tu, il, elle [1976, ndlr] de Chantal Akerman, qui ont été très importants pour moi dans ce que cela représentait du sexe lesbien. Je me souviens avoir été émue de voir un imaginaire que je ne voyais nulle part ailleurs. Dans Je, tu, il, elle, c’était la scène de sexe et le fait que les cheveux des deux héroïnes s’entremêlent. Je me souviens du son des cheveux, de leur matière et du fait que ces deux chevelures ne devenaient qu’une. Dans Go fish, qui est en noir et blanc, Rose Troche filme les mains des personnages féminins quand ils font l’amour. Ce sont des images qui laissent des impressions, des empreintes.

Je, tu, il, elle de Chantal Akerman

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Mais je n’ai pas tout de suite réalisé à quel point cela m’avait marqué. C’est lorsque j’ai théorisé les choses, en écrivant Le Regard féminin [paru en 2020, ndlr] que je me suis rendu compte que la majorité des films que je citais avaient été faits par des femmes lesbiennes. Avant, je ne connaissais pas l’orientation de Germaine Dulac. Le regard féminin est imprégné du cinéma lesbien et du cinéma des lesbiennes. Mais c’est quelque chose qu’on ne voit pas si on ne veut pas le voir ou qu’on n’est pas assez déconstruit pour le voir. Donc même si c’était présent dans ma cinéphilie, c’est vraiment en théorisant que j’y suis revenue.

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En faisant la série Split [l’histoire d’Anna, cascadeuse, qui tombe amoureuse d’Eve, l’actrice dont elle est la doublure sur un tournage, ndlr], j’avais envie que mon équipe technique et mes comédiennes [Alma Jodorowsky et Jehnny Beth, ndlr] puissent s’imprégner des mêmes images si elles en avaient envie. Avant le tournage, j’ai créé un compte Cinetek pour mettre à disposition certains films. Pour ceux que je n’arrivais pas à trouver - parce que beaucoup de films lesbiens ne sont pas trouvables - on avait créé une dropbox. C’était important pour moi de pouvoir créer cet imaginaire. J’ai montré des scènes spécifiques à ma cheffe opératrice, je voulais qu’on travaille la sensation et les sentiments. Je voulais filmer la peur, la peur du précipice, la peur quand on fait l’amour.

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Au début de l’épisode 2, j’ai intégré une scène dans laquelle mes deux héroïnes regardent Thèmes et variations, un court-métrage de Germain Dulac, dans une salle de cinéma. J’avais envie de les mettre là, de les faire regarder une œuvre que moi-même je n’avais jamais vue sur grand écran.

J’adorerais que mes images suscitent chez d’autres ce que celles de Je, tu, il, elle ou Go Fish ont suscité chez moi. Mais il est très difficile de savoir comment une œuvre sera réceptionnée. D’autant que pour qu’elle arrive à quelqu’un, il faut d’abord qu’elle circule. C’est d’ailleurs pour ça que je tenais à ce que Split arrive sur le service public et soit accessible gratuitement, même si le quatrième épisode [sur cinq au total, ndlr] est interdit aux moins de 16 ans et sera donc retiré de la plateforme en journée. Si cela peut donner envie à des jeunes femmes de se poser la question, ou en tout cas de comprendre que d’autres imaginaires sont possibles, je serai heureuse.

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