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« Paragraphe 175 » : une histoire occultée

  • Léa André-Sarreau
  • 2022-01-14

Longtemps taboue, la persécution du régime nazi envers les homosexuels a fait en 2001 l'objet d'un documentaire signé Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Percutant, tant pour sa rigueur historique que pour ses témoignages précieux, ce film exigeant est à (re)voir en salles en ce moment.

Dans The Celluloid Closet (1995), Rob Epstein et Jeffrey Friedman compilaient, avec un sens impressionnant de la rime visuelle et du montage par analogies, les plus grandes scènes gay du cinéma hollywoodien, pour décortiquer l'évolution de la représentation de l'homosexualité à l'écran. Cinq ans plus tard, les réalisateurs s'attaquent à un pan sombre de la Seconde Guerre mondiale, dont le cinéma s'est peu emparé : la déportation de milliers de personnes homosexuelles, internées dans les camps de concentration durant le régime nazi - on estime à 15 000 leur nombre, et à peine 4 000 ont survécu.

Grâce à une grande rigueur pédagogique, soutenue par les explications de l'historien Klaus Müller, ce documentaire remonte aux origines de l'homophobie institutionnalisée en Allemagne. Notamment au paragraphe 175, article du code pénal rédigé dès 1871, criminalisant les « actes contre nature » entre hommes, avant d'être amendé et aggravé en 1935, à l'aube de la guerre. Malgré ce récit minutieux, parfois insoutenable, d'une persécution occultée, le film tire une force vitale admirable des témoignages qu'il laisse se déployer.

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PAROLES VITALES

Face caméra, ces survivants d'un grand âge évoquent autant la barbarie de la politique nazie que les moments de joie clandestins, les étreintes interdites, grâce auxquels leur désir interdit a fait office de résistance contre l'ignominie. Ici, c'est un homme qui témoigne avoir fait l'amour sous les bombes, dans un train (« Dans ces temps difficiles, on avait besoin d'être romantique »). Ou encore l'audace de Gad Beck, qui raconte avoir mis un uniforme des jeunesses hitlériennes pour sauver son petit ami juif des mains de la Gestapo.

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Dans cette articulation entre la violence du contexte historique, des sévices subis - bouleversant témoignage de Pierre Seel, torturé dans le camp alsacien de Schirmeck - et la force sensuelle de certains récits soutenus par des archives et un rythme intense, le film trouve une équidistance admirable entre émotion et didactisme.

Paragraphe 175 de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, 1h17, Splendor Films, sortie le 12 janvier

Image (c) Splendor Films

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