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« Memories » de Katsuhiro Ōtomo, Kōji Morimoto et Tensai Okamura : un merveilleux triptyque de SF oublié

  • Léa André-Sarreau
  • 2022-08-24

Scénarisé par Katsuhiro Ōtomo (Akira, Steamboy), cet omnibus dystopique sorti en 1995 au Japon et inédit en France est une anthologie prodigieuse sur la fureur des hommes.  

Des éboueurs de l'espace chargés de sauver une cantatrice qui s’est construit un monde virtuel de souvenirs pour échapper au deuil ; un laborantin devenu malgré lui une bombe humaine à abattre après avoir inoculé une toxine classée secret-défense, et un petit garçon entraîné à faire la guerre dans une ville fortifiée par des canons…  

Ce triptyque de science-fiction né de la rencontre entre deux studios japonais réputés (4°C et Madhouse) s’impose d’emblée par la noirceur de ses personnages. Du space opera mélancolique au cauchemar militaire en passant par la catastrophe sanitaire, il dissèque la nature belliqueuse et destructrice de l'homme, dans un avenir qui évoque de façon terrifiante notre époque.  

Kōji Morimoto, réalisateur du premier segment Magnetic Rose, emprunte à Satoshi Kon (auteur de Perfect Blue, également scénariste du sketch) son graphisme baroque, pour construire un monde de faux-semblants dans lequel une héroïne égocentrique, à l’image des sirènes d’Ulysse, attire dans ses filets des hommes. Porté par l’opéra Madame Butterfly de Giacomo Puccini, ce voyage spatial à la Solaris est une variation lyrique sur les regrets, l’illusion que les images peuvent retenir les êtres perdus.  

Y répond, comme un contrepoint comique, un deuxième chapitre plus grotesque. Avec Stink Bomb, Tensai Okamura orchestre une chasse à l’homme cruelle contre un individu contaminé par un virus. Parabole anti militariste déjantée, le court métrage est aussi un hommage au Docteur Folamour de Stanley Kubrick, tant dans son découpage anarchique, rythmé, sa tension crescendo, que son propos désenchanté. 

Il sert de préambule au dernier segment, le plus sombre, réalisé par Katsuhiro Ōtomo. Saillants, ombrageux, les coups de crayons de Stink Bomb donnent vie au quotidien mortifère d’un petit soldat triste, élevé dans le culte de la violence, entraîné à construire des canons pour un conflit sans fin. Hyperréaliste, le graphisme inspiré du steampunk rappelle la peinture décharnée d’Edvard Munch, comme pour faire planer le spectre d’une Seconde Guerre mondiale laissée hors champ. Avec ses trois identités visuelles, ses trois récits qui se percutent entre poésie et abomination, Memories dessine une humanité douloureuse à la recherche d’un instant de grâce.  

Memories de Katsuhiro Ōtomo, Tensai Okamura et Kōji Morimoto, 1h53, Eurozoom, ressortie le 24 août  

Image (c) Eurozoom

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