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« Love Life » de Kōji Fukada : silence salvateur

  • Corentin Lê
  • 2022-09-05

[Critique] Peinture délicate d’une famille sans repères, « Love Life » de Kōji Fukada délivre des éclats qui touchent sans bruit ni fracas, à la faveur d’un geste ou d’un simple rayon de lumière.

La joie qui entoure le couple que forment Jirō et Taeko au début de Love Life n’est, on s’en doute, qu’un trompe-l'œil : dans le nouveau film Kōji Fukada (Au revoir l’été, L’Infirmière), présenté en compétition, l’allégresse est de courte durée. En pleine fête d'anniversaire, les parents de Jirō reprochent à Taeko de ne pas leur avoir donné leur propre petit-enfant, elle qui a déjà la garde de Keita, son fils issu d’un précédent mariage. Après un événement tragique, les liens qui unissaient cette petite famille recomposée se rompent définitivement…

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Un film de deuil remonte alors à la surface d’un récit qui avançait jusqu’à présent masqué. Un voile semble même recouvrir, de temps à autre, les sentiments douloureux que les personnages s’attachent à garder enfouis quand ils le peuvent, comme dans cette scène charnière où l’ex-mari de Taeko se cache sous un drap blanc, mimant l’avancée d’un fantôme tout en faisant tourner un disque sur lequel se reflètent les rayons du soleil.

Love Life est à l’image de cette séquence : un film où se cacher – et taire ses sentiments – revient paradoxalement à se mettre en lumière. Difficile de ne pas songer à Drive my Car (2021) lorsque Fukada, comme Hamaguchi, fait par exemple de la langue des signes le centre de gravité de plusieurs séquences importantes : des retrouvailles silencieuses et sous tension qui sont ponctuées, sur la bande-son, par les va-et-vient du métro à l’arrière-plan ; un mari déçu qui exprime ses ressentiments dans le hors-champ, sans que son interlocuteur ne puisse l’entendre ou lire sur ses lèvres, etc.

Le silence induit par le mutisme de l’un des personnages principaux – l’ex-mari de Taeko, un vagabond qui, dès son apparition, dynamite le film de l’intérieur – implique en effet d’exprimer les choses autrement, en sublimant par quelques trouvailles de mise en scène (jeux d’ombres et autres reflets) le genre très balisé du drama japonais. Une habitude chez Fukada, qui s’occupe depuis maintenant plus de dix ans à brouiller les lignes dans des films à la beauté sûre et discrète.

Love Life de Kōji Fukada, Art House (2 h 04)

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