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« Les Harkis » de Philippe Faucon : l'Algérie au plus près

  • Joséphine Leroy
  • 2022-05-20

Toujours aussi fin, le cinéaste français signe une sidérante et ample chronique historique qui revient, soixante ans tout pile après la signature des accords d’Evian, sur le recrutement puis l’abandon des harkis pendant et juste après la guerre d’Algérie. Obsédant.

Chez Philippe Faucon, la simplicité de la mise en scène n’empêche pas la grande intensité du propos. Au contraire, elle la fortifie. C’est encore le cas avec Les Harkis, captivant film historique qui marque son grand retour après Amin (2018). Le cinéaste, qui nous a habitués à de sublimes portraits (sa spécialité), braque cette fois sa caméra sur une troupe d’hommes : des harkis, ces jeunes algériens recrutés au milieu des années 1950 par l’armée française, à l’orée de la guerre d’Algérie, pour tuer dans l’œuf les mouvements indépendantistes. Des hommes qui sont allés au-devant de tous les dangers (les indépendantistes les considérant comme des traîtres) et à qui le gouvernement gaulliste a fait miroiter la possibilité d’un avenir plus radieux en métropole – pour finalement en abandonner beaucoup à leur sort une fois signés les accords d’Evian, qui ont permis un cessez-le-feu après négociations le 18 mars 1962…

Philippe Faucon ou l’art du portrait

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Soixante ans après, le film de Philippe Faucon, adapté du livre Harkis, mes frères de combat de Robert Luca, vient rouvrir ce dossier délicat. En éclairant d’une lumière nouvelle une guerre complexe qui jusqu’à aujourd’hui fracture la société, le réalisateur tente d’être le plus précis possible. Il l’est d’abord avec ses personnages, à commencer par les « harkis » du titre (incarnés par des acteurs non professionnels) dont les parcours diffèrent (un père tendre qui veut que son enfant grandisse dans de meilleures conditions ; ou un jeune homme meurtri par la mort de son frère, assassiné par des indépendantistes), mais qui tous souffrent de conditions de vie misérables –  Faucon soulève clairement l’idée que, pour la plupart, s’engager auprès des troupes françaises était plus dicté par la nécessité que par un quelconque sens du devoir. À leur tête, il y a le jeune colonel Pascal (Théo Cholbi), venu de métropole, qui, par conviction morale et empathie, n’hésite pas à désobéir à sa hiérarchie.

Projetés, sous un soleil plombant, dans des zones montagneuses et désertiques de l’Algérie, où les balles semblent pouvoir surgir de n’importe où, ces personnages sont confrontés à une extrême violence venue de tous les bords. Faucon aurait pu les mettre en scène crûment. Conscient au contraire que son sujet mérite plus de subtilité, le cinéaste opte pour la suggestion (puissantes séquences de grottes). A l’extrême luminosité de son décor s’oppose ainsi cette profonde noirceur. Il faut aussi voir Les Harkis comme un récit résonnant avec l’histoire personnelle du cinéaste : né à Oujda, au Maroc, en 1958, le cinéaste a grandi entre ce pays et l’Algérie, durant les quatre dernières années de la guerre (son père était militaire). Il était temps que le cinéma français s’empare aussi justement de cet épineux sujet, absent des écrans et des récits mais si vivant dans la mémoire collective.

Les Harkis de Philippe Faucon, Pyramide (1 h 22), sortie le 12 octobre

Images (c) Pyramide Distribution

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