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Judith Godrèche à l’Assemblée Nationale : « Je compte sur vous pour protéger les enfants »

  • Enora Abry
  • 2024-03-15

Auditionnée par la délégation parlementaire aux droits des enfants le 14 mars, l'actrice et réalisatrice, qui a récemment porté plainte pour viols contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, a proposé une série de mesures pour mettre fin au problème massif des violences sexuelles dans l’industrie cinématographique.

En prenant la parole publiquement à plusieurs reprises, notamment lors de la dernière cérémonie des César et lors d’une audition au Sénat le 29 février dernier, Judith Godrèche a montré que son histoire personnelle n’était pas un cas isolé dans l’industrie cinématographique - elle a d’ailleurs affirmé avoir reçu plus de 4 500 témoignages d’actrices et de techniciennes dénonçant du harcèlement ou des abus sexuels sur leur lieu de travail.

Face à la délégation parlementaire aux droits des enfants (celle dédiée aux droits des femmes était aussi présente), le 14 mars dernier, elle a dénoncé ce système qui a permis pendant longtemps de normaliser et de taire ces abus et a réitéré sa demande de création d'une commission d'enquête sur le droit du travail dans le cinéma, en particulier pour les femmes et les enfants. On revient sur quelques pistes soulevées lors de cet échange à l'Assemblée nationale.

ENTENDRE, VOIR

Pointant du doigt le silence et l'aveuglement de l'intelligentsia culturelle face aux emprises et aux violences subies par les jeunes actrices, l'actrice raconte le processus d'emprise qu'elle dit avoir vécu : “Je ne suis pas allée à l’école très longtemps [elle a commencé le cinéma à l'âge de 14 ans, en tournant dans La Désenchantée de Benoît Jacquot, sorti en 1990, ndlr] mais je sais, que lorsqu’un réalisateur se vante de se nourrir de l’histoire intime des enfants, «glamourise» le viol ou l’inceste, dévalorise la possibilité du «non», il y a un problème. Que faisaient les érudits, les savants, les journalistes, les directeurs de cinémathèques et autres filmothèques, les ministres de la Culture, les festivals, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), pendant tout ce temps ?”

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ENQUÊTER

Selon l’actrice, il s’agit de prendre des mesures concrètes face à ce fléau qui n'est pas nouveau. Comme elle l'avait déjà demandé lors de son audition au Sénat en février, Judith Godrèche défend la création d'une commission d'enquête spéciale, permettant de recueillir les témoignages et de préconiser des mesures de protection : “Je vous demande de prendre l’initiative d’une commission d’enquête sur le droit du travail dans le monde du cinéma et en particulier sur les risques pour les femmes et les enfants.”

Outre cette commission, Judith Godrèche dresse une liste de propositions à mettre en œuvre, en amont, pendant et en aval d’un tournage. Elle a été établie en collaboration avec le Collectif 50/50, qui défend l'égalité dans le monde de l'audiovisuel.

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SÉCURISER L'ENFANT LORS DU CASTING ET DU TOURNAGE GRÂCE A DES TIERCES PERSONNES

En amont du tournage, les procédures de casting devraient être repensées.  “Il n’y a aucune formation pour être directeur de casting, ça peut-être le ou la meilleure amie du réalisateur. Et il n’y aucune différence entre les directeurs de casting pour adultes et pour enfants.” Judith Godrèche demande donc à ce que ce personnel soit formé afin d’être en capacité de travailler correctement avec des enfants - elle ajoute qu’une tierce personne devrait toujours être présente lors des castings avec les mineurs afin que l’enfant ne se retrouve pas seul-à-seul avec un directeur de casting ou un réalisateur. Par ailleurs, le Collectif 50/50 travaille actuellement à une “charte de bonne conduite” qui serait transmise à tous les lieux accueillant des castings.

Pendant le tournage, Judith Godrèche souhaite qu’un coach formé (ce qui n’est pas souvent le cas, rappelle-t-elle) soit obligatoirement présent pour encadrer l’enfant. Ce coach pourrait être accompagné d'un coordinateur d’intimité pour toutes les scènes qui le nécessiteraient. Enfin, elle demande à ce que l’enfant puisse continuer à être accompagné psychologiquement une fois le tournage terminé.

DES INSTITUTIONS EXEMPLAIRES

Ces prescriptions ne pourront faire effet, selon l’actrice, que si les institutions qui les portent sont exemplaires. ”Il est important d’avoir à la tête du CNC quelqu’un d’irréprochable car cette industrie est malade.” Elle évoque ici sans le nommer Dominique Boutonnat, président du CNC, accusé d'agression sexuelle sur son neveu (il reste présumé innocent, et son procès se tiendra en juin prochain).

S'il faudra regarder de près la suite pour voir si les mesures seront mises en place, les paroles de Judith Godrèche ont eu des échos favorables dans l’Assemblée : “Il apparaît nécessaire que l’Assemblée nationale puisse appréhender le sujet porté par Mme Godrèche : la protection des enfants qui peuvent évoluer dans les milieux artistiques ne doit pas échapper à la loi ”, a déclaré Perrine Goulet, présidente de la Délégation aux droits des enfants.

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