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Gregg Araki, toujours no future

  • Léa André-Sarreau
  • 2019-05-10

Des aliens reptiliens, une conspiration de fin du monde, des post-ados défoncés et en quête de sens…Pas de doute, on est bien dans un Gregg Araki. Avec Now Apocalypse, sa première série co-écrite avec Karley Sciortino, le réalisateur semble faire l’ultime synthèse de ses obsessions. Toujours irrévérencieux, mais naviguant vers une douceur nouvelle, il nous a parlé millenials surexcités. 

Vous avez peur de la fin du monde ou vous l’attendez ?
Chaque génération a eu sa propre angoisse de la fin du monde.  En ce moment, en particulier aux États-Unis, ce sentiment est plus répandu que jamais. Les gens ressentent une anxiété, une perte de contrôle ; on ne sait pas de quoi demain sera fait : c’est un peu ça aussi, l’apocalypse. On voulait que cet aspect soit présent dans la série, bien qu’elle reste assez fun, très « sex, drugs, and rock’n’roll ».

—> A lire aussi: Notre interview de Karley Sciortino

Les ados de votre Teen Apocalypse Trilogy (Totally F***Up, The Doom Generation et Nowhere) étaient assez tourmentés. Dans Now Apocalypse, on a l’impression que les  personnages sont réconciliés avec leur identité. À quoi doit-on cette évolution ?
Tous mes films sont des reflets de la personne que j’étais quand je les ai faits, un instantané de ce que je ressentais à ce moment-là. Doom Generation est un film très agressif, mes personnages étaient plus confus qu’aujourd’hui, parce que je l’étais moi-même à l’époque. J’étais assez sombre, mais plus je vieillis, mieux je me sens dans ma peau. Mais il reste encore cette attitude « break the rules ». C’est intrinsèque à ma personnalité.

Now Apocalypse,
Copyright Starz

Vous avez réalisé un pilote de série pour MTV dans les années 2000, ainsi que des épisodes de 13 Reasons Why de Riverdale. On a l’impression que vous avez toujours été attiré par le format sériel.
Cela fait au moins 20 ans que je veux faire une série comme Now Apocalypse. J’ai travaillé sur ce pilote en 1999-2000 mais, au départ, j’ai conçu Nowhere comme une série, en m’inspirant de Twin Peaks, qui a su créer quelque chose d’étrange et de visionnaire, complètement en dehors des normes de la série télévisée à l’époque. Réaliser des épisodes de 13 Reasons WhyRiverdaleRed Oaks et American Crimes m’a permis d’apprendre un peu à gérer la chose. En observant les showrunners, je me suis dit : « C’est un métier tellement difficile que la seule façon pour que ça en vaille la peine, ce serait de faire la série de mes rêves, l’‘ultimate Gregg Araki show. » Now Apocalypse, c’est un condensé de tout ce que j’ai toujours voulu mettre dans mes films.

 Le format sériel était-il plus approprié pour toucher les ados?
Le monde du cinéma traverse une période de transition, les films atteignent difficilement le public qu’ils visent. L’une des raisons pour lesquelles je voulais travailler à la télévision c’est que c’est un média si démocratique qu’il permet d’être partout et de s’adresser au monde entier. Il s’agit aussi d’avoir accès à ceux qui ne sont pas familiers du cinéma indépendant, parmi lesquels les ados. 

Votre collaboration avec la bloggeuse sexe Karley Sciortino, qui a co-écrit le scénario avec vous, a-t-elle changé votre approche de la sexualité, des corps et de la nudité ?
Karley et moi, nous sommes très en phase dans notre perception de la sexualité. La place qu’elle occupe quand on grandit, la façon dont elle permet de découvrir qui on est, ce sont des choses auxquelles on réfléchit beaucoup. Dès que j’ai commencé à travailler sur la série, je me suis dit qu’il devrait y avoir un personnage qui soit une version fictive de Karley. Je me suis donc inspirée d’elle pour créer le personnage de Carly, et je l’ai appelée pour savoir si elle voulait travailler sur le scénario avec moi. Beaucoup de ses recherches portent sur des thèmes omniprésents dans la série : les trios amoureux, le polyamour, les orgies…J’ai aussi toujours été un fervent féministe, et son point de vue militant est un plus pour la série.

Dans Totally F***Up, vous utilisiez des inserts vidéos pour faire parler vos personnages face caméra. Dans Now Apocalypse, les personnages parlent de leurs sentiments via des vlogs. Qu’est-ce qui a changé dans la manière de s’exprimer des ados ?
Tout s’est intensifié ! Cette pratique du documentaire réflexif est beaucoup plus présente. Les gens sont en permanence en train de réaliser des documentaires sur eux-mêmes.

Vous vous sentez proche de la culture des ados d’aujourd’hui ?
En tout cas, elle m’inspire pas mal. Le rythme du monde s’est tellement accéléré avec toutes ces applications de rencontre qu’il y a énormément d’histoires à raconter. Tout le monde est plus connecté que jamais, et en même temps, chacun se sent un peu seul. Tout est plus facile, plus rapide, mais les relations, elles, n’en deviennent pas plus évidentes.


Now Apocalypse,
Copyright Starz

Now Apocalypse, saison 1 disponible sur Starz
Crédit photo image d’ouverture: Copyright Why Not Productions

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