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Romaric Gouali : « La nuit, c’est revêtir une cape et devenir Superman »

  • Joséphine Leroy
  • 2023-07-13

[DANS LA FÊTE] Grâce à La Darude et La Tchoin, deux collectifs qu’il a cocrées, le RnB, l’Eurodance et la trance des années 2000 font leur grand retour en soirée. Également DJ sous le pseudo de DJ Kwame, ce Parisien de 31 ans réenchante nos nuits, avec juste ce qu’il faut de nostalgie.

Cet article fait partie du dossier DANS LA FÊTE, publié dans le magazine n°199. Retrouvez tous les autres en suivant ce lien.

Qu’est-ce qu’il y a de commun entre La Darude, qui est plus dans un délire de pure trance, et La Tchoin, qui est plus queer, girly ?

C’est l’idée de créer des soirées appart en club, de mettre le public au centre de la soirée, pour qu’il se sente le plus à l’aise possible. Je crois que ça fait partie de notre identité. Ça se sent dans la direction artistique aussi. C’est très coloré – on insiste pour que les gens viennent habillés comme ça – et je pense que dans le paysage parisien, ça apporte quelque chose. Parce qu’on est habitués aux soirées très dark, berlinoises, et je crois que ça joue sur l’humeur du public.

Comment ces collectifs sont-ils nés ?

Ça fait dix ans que je suis dans la fête. En 2013, on avait fondé un collectif avec Karl [Karl Die aka Die Klar, son pseudo comme DJ, ndlr] et Alexia [Alexia Petit aka Xioute, ndlr], qui sont encore avec moi, et qui s’appelait BELAIR Sounds. C’était destiné aux artistes qui font de la musique hybride, donc vraiment de la musique type « SoundCloud ». Au bout de quatre ans, on a voulu faire des projets qui nous faisaient plus plaisir, qui seraient plus en phase aussi avec nos valeurs, notre manière de faire la fête. Avec des musiques qu’on n’entend pas spécialement mais qui nous font kiffer. Une ambiance, une humeur, un délire spécifique. Et c’est de là qu’est né en 2018 La Darude, qui est notre projet à Karl et à moi. La Tchoin, qui est un projet qu’on a imaginé avec Alexia, est née en 2020, juste avant le confinement. On a eu quelques mois de réflexion pour la définir. Parce que moi, je voulais faire des soirées hip-hop, et Alexia, à côté, voulait faire des soirées entre copines.

Qu’est-ce qu’Alexia entendait par « entre copines » ?

C’est un peu l’âme des soirées pyjama et karaoké, avec des tubes de pop, de RnB aussi. À l’époque où on réfléchissait à créer La Tchoin, j’ai lancé un sondage auprès de mes amis mecs et de mes amies meufs. Mes potes mecs me parlaient de genres de musique, alors que mes potes meufs me disaient qu’elles voulaient des soirées avec des gens « mieux ». Quand je leur ai demandé ce qu’elles entendaient par-là, elles me répondaient qu’il y avait énormément de relous. Moi, en tant que mec, je ne le voyais pas vraiment. Mais le fait de sonder mes amies, et de demander à Alexia ce qu’elle ressentait par rapport à ça, ça fait qu’on s’est rendus compte qu’il y avait vraiment un souci. Avec La Tchoin, on voulait créer un espace beaucoup plus safe, un sentiment de bien-être en soirée.

Concrètement, vous instaurez quelles mesures pour mieux garantir cette atmosphère safe ?

À La Darude, outre le fait qu’on inscrive les valeurs qu’on partage sur des posts Insta, on met aussi en place une « team bienveillance », qui va être chargée de faire des maraudes dans le club, pour voir s’il y a des comportements déplacés, des personnes malveillantes. Elle est habillée en orange et on appelle les membres « les anges de La Darude ». On a aussi un MC, qui est chargé, non seulement de booster le public, mais aussi de rappeler au micro nos valeurs. Pour La Tchoin, on surveille aussi ce qui se passe, mais cet esprit de bienveillance est un peu plus évident.

Tu sens une évolution de la fête parisienne ces dernières années ?

Depuis le déconfinement, vachement. Avant, tu venais à une soirée pour voir un DJ mixer. Tu n’avais pas vraiment de distinction entre une soirée club et un concert. Tu te mettais devant le DJ et tu restais là pour l’écouter. Maintenant, les clubs mettent en avant les collectifs, le line-up va passer un peu plus au second plan. Nous, on travaille pas mal avec La Machine du Moulin Rouge, le Trabendo – mon club préféré actuellement, il a un soundsystem de malade, et c’est une salle qui permet de mettre le DJ au milieu de la scène, avec une ambiance assez ballroom. Ça créé vraiment une communication folle avec le public, qui entoure le DJ, peut monter sur la scène… Ce qui a évolué aussi, c’est l’esthétique des collectifs, comme La Créole [un collectif multiculturel et inclusif qui diffuse dans ses soirées un mélange de musiques afros, latinos, caribéennes, et de la house, ndlr], qui est plus forte.

Qui sont les artistes emblématiques qui viennent mettre le feu à vos soirées ?

Alors là, je vais plus parler de La Darude, parce que La Tchoin, c’est beaucoup de copains-copines. À La Darude, on a TDJ, une artiste canadienne qui monte dans la scène Eurodance et trance. On a aussi eu récemment Horsegiirl, qui cartonne sur TikTok en ce moment avec son titre « My Barn My Rules ». Je peux te citer aussi Panteros666, Dimension Bonus – les anciens Salut C’est Cool. A La Tchoin, on met en place des résidences, avec Violet Indigo par exemple, qui est chanteuse principalement. Elle a fait le Printemps de Bourge cette année.

Pour toi, la fête, la nuit, ça recouvre quoi ?

Pour moi, par rapport à notre société assez codifiée – surtout par le taf –, ça permet de révéler son vrai soi. C’est comme si tu étais Clark Kent le jour, et que le soir, en sortant, tu revêtais une cape et devenais Superman. La nuit, c’est avoir le moins de limites possibles – hormis celles du respect des autres et de soi-même.

Ta scène de fête préférée au cinéma ?

Il y a un film qui m’a fait kiffer récemment, c’est Babylon de Damien Chazelle. La scène de l'énorme soirée burlesque qui précède le tournage d’un film hollywoodien [dans le Los Angeles des années 1920, ndlr]. Je ne dirais pas du burlesque que c’est mon thème de soirée préféré ! Mais ce que j’ai trouvé vachement cool dans la séquence, c’est le fait qu’elle part dans tous les sens.

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