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  • Cannes 2021
  • Critique
  • Article
  • 2 min

« Drive My Car » : le jeu fascinant de Ryūsuke Hamaguchi    

  • Quentin Grosset
  • 2021-07-11

Le cinéaste japonais adapte un extrait du recueil de nouvelles "Des hommes sans femmes" de Haruki Murakami. Il signe un récit vertigineux, Prix du scénario à Cannes, sur la manière dont la fiction peut hanter ou sauver.

Dans Drive My Car, la voiture symbolise l’errance, le fait de circuler en espérant trouver l’apaisement. Elle est le point de rencontre entre Yusuke, acteur et metteur en scène créant Oncle Vania d’Anton Tchekhov dans un festival à Hiroshima, et sa chauffeure, la peu diserte Misaki. Pendant leurs trajets quotidiens, Yusuke et Misaki se lient en échangeant sur leurs deuils respectifs, mais surtout en se racontant les fictions imaginées par les proches qu’ils ont perdus, envers qui tous deux entretenaient un certain ressentiment…

Avec son écoute empathique, Hamaguchi fait sentir tout ce qu’il y a entre leurs mots, révèle leur sentiment de culpabilité enfouie. Après Intimacies (2012) ou Senses (2015), le cinéaste prend une nouvelle fois le théâtre comme toile de fond pour sonder ce qui lie comédie et vérité. Car il y avait des mensonges entre Yusuke et la femme qu’il a perdue, une scénariste qui ne s’était jamais remise de la mort de leur fille et qui est décédée subitement. Mais, se demande-t-il, son épouse n’a-t-elle jamais été aussi sincère que lorsqu’elle inventait des histoires de lamproies pendant qu’elle lui faisait l’amour ?

Ryūsuke Hamaguchi : tendre, l’oreille

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Alors qu’il distribue les rôles de la pièce qu’il veut multilingue – toujours cette réflexion sur l’énonciation, déjà développée à travers les dialectes dans Asako I & II –, Yusuke se prend lui-même à un jeu de rôle étourdissant et plein d’affects. Il choisit d’abord, pour incarner oncle Vania, un jeune acteur dont il sait qu’il a autrefois entretenu une liaison avec son épouse, avant d’être contraint de le remplacer – ce sera peut-être la voie cathartique vers la cicatrisation.

Même vertige pour Misaki, qui retourne sur les traces de son enfance en se souvenant du jeu trouble de sa mère qui s’était inventé un personnage pour communiquer avec elle, quand elle était d’ordinaire distante et peu aimante. Dans les pas feutrés d’un Jacques Rivette ou d’un Abbas Kiarostami (on pense beaucoup à La Bande des quatre et à Close-Up), Hamaguchi manifeste toute la considération et l’amour qu’il a pour la fiction : elle n’est pas une simple représentation, mais un prolongement direct de la vie, aussi sinueux que les routes prises par les deux protagonistes.

Abbas Kiarostami, libre jeu

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: Drive My Car de Ryūsuke Hamaguchi, Diaphana (2 h 59), sortie le 18 août

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