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« Viêt and Nam » : une sublime romance queer peuplée de fantômes

  • Hugues Porquier
  • 2024-09-16

[CRITIQUE] Le cinéaste vietnamien Truong Minh Quý plonge dans l’histoire traumatique de son pays en mettant en scène une romance queer d’une grande poésie. Censuré au Vietnam, ce deuxième long métrage a trouvé une reconnaissance méritée au Festival de Cannes.

En 2001, Viêt et Nam, deux jeunes hommes, travaillent dans une mine de charbon. Ils tentent de vivre tant bien que mal leur histoire d’amour dans un pays qui considère encore l’homosexualité comme une maladie. Ce n’est que dans l’obscurité des murs noircis par le carbone, à l’abri des regards, qu’ils s’autorisent à échanger des moments d’intimité d’une douceur silencieuse et émouvante. Pour fuir cette réalité sociale, Nam décide d’émigrer clandestinement. Avant son départ, il tente de retrouver son père, a priori décédé lors de la guerre.

Épaulé par des acteurs non professionnels, le cinéaste brouille les pistes entre la fiction et le documentaire. L’utilisation d’une caméra 16 mm confère à l’image une atmosphère onirique d’où semble jaillir une présence. Cette entité invisible, symbolisant le passé du pays et incarnée par le père disparu, hante le sommeil de Nam et de sa mère, et habite chaque plan fixe sur les paysages encore marqués par les cicatrices laissées par les obus américains.

En poussant les curseurs du documentaire, Truong Minh Quý donne au film une dimension historique. Il ne délaisse pas pour autant la fiction, en déployant autour de ses personnages des enjeux actuels – homophobie, pauvreté, émigration –, qui s’entremêlent très justement avec l’évocation du passé. La sélection du film dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2024 a transformé Truong Minh Quý en porte-étendard d’un nouveau cinéma d’auteur vietnamien.

Aux côtés de Pham Thiên Ân, Caméra d’or 2023 pour L’Arbre aux papillons d’or et de Pham Ngoc Lân avec Cu Li ne pleure jamais, prix GWFF du meilleur premier film à Berlin en 2023, il incarne une vague de cinéastes vietnamiens dont les films s’exportent de mieux en mieux.

Ces nouveaux artistes explorent l’histoire et le présent de leur pays, en filmant sans concession des réalités sociales négligées. Une approche jugée inappropriée par le régime communiste, qui n’hésite pas à appliquer une censure stricte, allant de la coupe de certaines séquences jusqu’à l’interdiction de projection sur le territoire pour Viêt and Nam, qui a dû prendre la nationalité philippine pour son exportation.

Viêt and Nam de Truong Minh Quý, Nour Films (2 h 09), sortie le 25 septembre

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