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« Venez voir » de Jonás Trueba : chemins de traverse 

  • Léa André-Sarreau
  • 2022-10-27

Le brillant réalisateur espagnol Jonás Trueba (« Eva en août  », « Qui à part nous ») poursuit son exploration existentielle et sensitive avec ce conte resserré et délicieusement bavard, dans lequel deux couples questionnent leur idée du bonheur.

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Film après film, Jonás Trueba perfectionne un art de la variation autour de motifs permanents. Venez voir est aussi court que son précédent long-métrage, Qui à part nous, était une épopée fleuve. Mais dans une forme plus minimaliste, ce segment tente aussi de saisir les dérapages invisibles qui séparent les êtres.  Soit, ici, deux couples de trentenaires qui se retrouvent dans un bar madrilène. Susana et Dani ont déménagé en périphérie de la ville, et attendent un enfant ; Elena (Itsaso Arana, héroïne d'Eva en août) et Guillermo ont la conviction que procréer ne mène à rien. Six mois plus tard, ils se retrouvent à la campagne autour d’un dîner arrosé, où les certitudes de chacun sont mises à l’épreuve…  

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Le cinéma rohmérien de Jonas Trueba, qui exhibe la fragilité des liens affectifs à la faveur d’ellipses, de cycles saisonniers – ici l’été remplace l’hiver, comme si une renaissance de l’amitié était possible -trouve une plus grande force d’incarnation, car il évoque les conséquences du covid. Une voix-off introduit ainsi le concept d’« irréalité », cette crise intérieure qui rend étranger à soi et au monde.  

Jonas Trueba exhibe cette perte de l’expérience collective liée à la pandémie dès la première séquence d’ouverture, qui acte la distanciation entre chaque personnage, filmé tour à tour en gros plan en train d’écouter un récital de piano, sans s’accorder un regard. La même fracture s’opère lorsqu’Elena, dans un passage volubile évoquant La Collectionneuse de Rohmer, explique que l’art n’a plus le pouvoir de guérir dans un monde où chacun a pris conscience de la finitude des ressources naturelles.

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Malgré une série de dialectiques (l’urbain et la campagne, l’individualisme et la collectivité), la mise en scène impressionniste de Jonas Trueba trouble le manichéisme des situations. La virtuosité des dialogues donne raison puis tort à chacun, la caméra organise le débat d’idées en champ contre champ avant d’apaiser les rapports de force en un plan large sur une partie de ping-pong enfantine. Reste un seul remède : faire des films ensemble, pour retrouver une utopie perdue. C’est ce que la mise en abyme finale, qui nous dévoile les coulisses du tournage, suggère avec malice.  

Venez voir de Jonas Trueba, 1h04, sortie le 4 janvier, Arizona Distribution  

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