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CANNES 2024 · « L’Histoire de Souleymane » de Boris Lojkine, à corps perdu

  • Laura Pertuy
  • 2024-05-21

[CRITIQUE] Porté par des acteurs non-professionnels, le magnétique Abou Sangare en tête, le 3e film de Boris Lojkine (« Camille ») emprunte au thriller pour dire le vertige de son héros face à l’obtention du droit d’asile. Un contre-la-montre au cordeau, sans complaisance, qui embrase la compétition Un Certain Regard.

À Paris, Souleymane, la vingtaine, utilise le compte d’une connaissance pour assurer des missions de livraison de repas et gagner tout juste de quoi manger. Chaque matin, il appelle un centre d’accueil pour réserver un lit de dortoir. Le film débute alors qu’il prépare son entretien de demande d’asile à l’OFPRA, prévu 48h plus tard, auprès d’un homme qui lui conseille de raconter qu’il a fui la Guinée pour motifs politiques. Un récit dont Souleymane, ancien mécanicien, peine à retenir les détails. Comme un second temps au premier long métrage de Boris Lojkine, Hope (2014), où une Nigériane et un Camerounais faisaient ensemble le chemin vers l’Europe, L’Histoire de Souleymane s’insère dans les limbes où errent les migrants, de leur arrivée en France à l’obtention de leurs papiers. Dans un angle mort, absents aux regards et pourtant si visibles, affublés de leur sac de livraison criard.

La fiction prend, dans ses premiers mouvements, des allures de documentaire en suivant Souleymane propulsé à toute vitesse sur les étroites pistes cyclables du 18e arrondissement, presque trop rapide pour que la caméra parvienne à le saisir. Assis sur des entretiens menés auprès de livreurs par Boris Lojkine et Aline Dalbis, ancienne documentariste devenue directrice de casting, le film enrichit son naturalisme d’une embardée vers le thriller et d’une colorimétrie de polar. La capitale s’y dessine infiniment hostile, vociférante, prête à engloutir ses nouveaux enfants. Puis, repue, les laisse essuyer la solitude et, dans le cas de Souleymane, le deuil d’une vie guinéenne.

Dans la course ininterrompue du jeune homme taiseux, tout entier à sa quête, le film donne à voir l’extrême densité d’une simple journée, passée à repousser les dettes, le sommeil et les sollicitations avec, comme épée de Damoclès, la menace d’un refus d’asile. Au montage, qui pourrait citer le À plein temps d’Éric Gravel (2021), Boris Lojkine adjoint la virtuosité d’Abou Sangare, dont c’est le tout premier rôle et qui emporte son personnage dans des émotions subtiles, vers l’expression d’une vérité à qui l’on refusait jusque-là refuge.

« À plein temps » d’Éric Gravel : sans répit

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Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

Image : © UNITE

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