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CANNES 2024 · « Bird » d’Andrea Arnold : envolée sauvage

  • Timé Zoppé
  • 2024-05-17

Notre cinéaste britannique adorée revient en Compétition officielle avec ce très bon cru, dans la droite lignée de son cinéma (Fish Tank, American Honey). A 63 ans, elle signe une fervente ode à la jeunesse, à la nature et à la queerness, en imaginant des moyens pour protéger les enfants des adultes fêlés... et ainsi éviter qu’ils le deviennent à leur tour.

Bailey, 12 ans, vit dans un squat du Kent profond avec son doux demi-frère et Bug (impeccable Barry Keoghan), leur jeune père foufou, qui s’apprête à épouser une jeune femme qu’il date depuis seulement trois mois. Le truc de Bug, comme son surnom l’indique, c’est les insectes : il en est tatoué de la tête aux pieds et compte financer son mariage en faisant baver de l’acide hallucinogène à un crapaud qu’il vient de trouver (ça ne s’invente pas).

Comme toutes les héroïnes arnoldiennes, Bailey ne se sent clairement pas à sa place dans ce monde codifié qu’on lui impose. Elle a la tête dans les nuages, dans la nature et les images poétiques qu’elle prend sur son téléphone, rebelle aux assignations sociales et de genre. Dans ce milieu où les ados deviennent très vite parents, elle trouve des échappatoires à la reproduction sociale : un gang d’adolescents qui s’organise pour punir les adultes violents envers les enfants – idée aussi prodigieuse que tragique en ce qu’elle pointe l’incapacité des adultes et des institutions, et en particulier de la police, à protéger les plus faibles – et la rencontre avec un être étrange, Bird (toujours excellent Franz Rogowski), revenu au pays après plus d’une décennie pour retrouver la trace de ses parents.

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. Avec son sens de la fable naturaliste – qui prend pour la première fois des embardées fantastiques – mêlée à ses douces expérimentations formelles, notamment ici sur le montage, Andrea Arnold réussit de nouveau à nous toucher en plein cœur en posant son regard tendre au possible sur les déclassés. On a même tendance à croire que son attention se porte ici particulièrement sur les personnes queer quand on comprend – et c’est absolument glaçant - que Bird, avec ses airs efféminés et ses longues jupes, serait probablement mort s’il ne s’était pas volatilisé très jeune pour échapper à son environnement social étouffant.

C’est aussi dans sa relation avec Bailey – dont l’identité de genre reste indéterminée, mais a-t-on besoin de se définir à 12 ans ? - et leur passage de flambeau de weirdos que le film trouve dans sa conclusion un souffle épique déchirant, dont seule la précieuse cinéaste britannique détient le secret.

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

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