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Vu au Festival international du film de Marrakech : « Ashkal » de Youssef Chebbi

  • Timé Zoppé
  • 2022-11-17

Dans ce polar détonant, à la fois politique et nimbé de mystères, deux flics enquêtent sur des mystérieux corps brûlés retrouvés sur des chantiers à Tunis. Personnages et caméra serpentent des bâtiments fantômes, symboles du choc du Printemps arabe et de l’ambivalence des fruits qu’il a portés. Après avoir été montré à la Quinzaine des réalisateurs en mai, Ashkal est actuellement en Compétition au festival de Marrakech.

Le polar, c’est un peu comme la comédie romantique : un genre tellement poncé qu’on s’émerveille de chaque aspérité, chaque éclat sur lequel on a la chance de tomber. C’est le cas d'Ashkal, fort de ses originalités alliées à sa grande sobriété. A commencer par son cadre, celui des jardins de Carthage, au nord de Tunis, dans lesquels s’élèvent des bâtiments squelettiques dont la construction avait été lancée sous l’ancien régime mais a été stoppée net par la révolution du Jasmin, en 2011. Le premier long de fiction de Youssef Chebbi prend racine dans ces chantiers, alors qu’ils se remettent en route et qu’on y découvre un corps calciné… puis d’autres.

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Deux policiers, Batal et Fatma, sont chargés de mener l’enquête. Lui a une famille à nourrir et protéger ; elle subit la mauvaise réputation qui touche la sienne à cause de son père, comme on le comprend peu à peu. Mais ce qui obsède le duo – là aussi, le cinéaste réinvente le motif de la « paire de flics » en faisant d’eux des collègues qui s’estiment et se respectent, sans rivalités, chamailleries ou séduction –, ce sont évidemment ces morts incompréhensibles, ces immolations qui touchent des personnes aux profils différents. Quand la piste du tueur en série se confirme, on croit retomber sur un sentier balisé. Sauf qu’un témoignage donne le vertige en faisant prendre un virage inattendu au récit : un jeune homme affirme qu’il a vu un homme non-pas « mettre » mais « donner » le feu à une femme.

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Face à quoi se trouve notre duo ? C’est ce que cherchent autant Fatma, qui passe ses nuits à sillonner avec anxiété les bâtiments en gestation - qui ont pourtant déjà l’air de ruines -, que la caméra de Youssef Chebbi, qui opère des circonvolutions dans les couloirs en béton et les trous noirs de pièces encore inhabitables, où l’on redoute de voir apparaître un spectre. Ménageant ses effets, prenant habilement partie de la densité de son atmosphère et des situations qu’il campe patiemment, Ashkal redouble son fond d’un sous-texte plus politique en sondant l’état de flottement et de désarroi d’une société prise entre déconstruction et reconstruction. De la belle ouvrage.

Ashkal de Youssef Chebbi, 1h32, Jour2fête, sortie le 25 janvier 2023

Image (c) Jour2fête

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