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L’archive de Lina Soualem : mémoire de fille

  • Marilou Duponchel
  • 2024-02-08

Lina Soualem a grandi dans un flot d’images, prises de manière compulsive par son père, le comédien Zinedine Soualem. En préparant "Bye Bye Tibériade", dans lequel elle retourne sur les traces de sa mère, l’actrice et réalisatrice Hiam Abbass, et des femmes de sa famille palestinienne, elle s’est replongée dans ses archives familiales. Elle nous parle de l’une d’entre elles, essentielle, prise un soir à Deir Hanna, en Galilée.

« Quand j’ai commencé à faire le film, j’ai redécouvert cette photo parmi nos dizaines d’albums photos. C’est un peu devenu la photo principale, c’est la seule où nous sommes toutes les quatre, ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et moi. J’ai un an, c’est le premier voyage, la première rencontre avec mes deux aïeules – elles ne me lâchaient plus ! La photo a été prise sur la terrasse de la maison familiale à Deir Hanna, que l’on voit dans toutes les archives du film. C’est le point d’ancrage de beaucoup de souvenirs d’enfance.

J’ai des vidéos où on nous voit y dormir quand il faisait très chaud. Bye Bye Tibériade est le tout premier titre qui m’est venu, mais j’ai pensé à un moment aux Femmes de la terrasse. Sur la photo, j’aime bien que ma mère et ma grand-mère regardent l’objectif et que moi et mon arrière-grand-mère soyons happées par autre chose – peut-être par la rue ? Comme pour les archives filmées, c’était mon père qui prenait les photos. C’était presque le seul homme qui naviguait au milieu de ces femmes, comme un poisson dans l’eau. Il était accepté dans tous les moments d’intimité entre femmes. Elles se sont habituées à lui, qui était pour elles un peu un clown, un comique. C’est un filmeur compulsif, je pense que c’est une chose inconsciente chez lui de vouloir garder des traces, peut-être justement parce qu’il en a perdu.

Ce que j’aime aussi dans cette photo, ce sont ces chaises en plastique jaune. Il y en avait par dizaines dans l’arrière-salon qu’on sortait pour accueillir tout le monde pour les mariages, les grands repas au sous-sol. Ce n’est pas le truc le plus esthétique, mais j’adore la disposition de ces trois chaises jaunes dans l’espace. J’adore aussi ces petites plantes, ces pots, qui sont là depuis les années 1990 et n’ont pas bougé. On voit aussi le reflet de la montagne derrière.

Ma mère en parlait souvent quand on tournait des scènes sur la terrasse, elle avait le sentiment d’une vision bloquée. Elle se souvient dans son enfance de cette montagne qui était complètement vierge d’habitations. Or plus le temps passe et plus elle s’urbanise. Au-dessus, il y a le village israélien qui s’est aussi développé et qui coupe l’horizon. »

Bye Bye Tibériade de Lina Soualem, JHR Films (1h22), sortie de le 21 février.

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