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À voir sur mk2 Curiosity : « Réponse de femmes (Notre corps, notre sexe) », le ciné-tract féministe d’Agnès Varda
- Léa André-Sarreau
- 2021-01-18
Dans ce court-métrage expérimental à voir sur mk2 Curiosity jusqu’à mercredi, la réalisatrice déconstruit l’archétype de la féminité grâce à des témoignages lucides et des formules choc.
1975, année de la Femme. Antenne 2 demande à sept femmes cinéastes de répondre en sept minutes à la question “Qu’est ce qu’une femme?”. Agnès Varda, malicieuse et contestataire, détourne cet exercice scolaire en répondant par un ciné-tract : Réponse de femmes (Notre corps, notre sexe). Sur un fond blanc, des femmes, disposées en rang à la manière d’écolières qui se préparent à une séance de photo de classe, dénoncent le conditionnement que leur impose dès l’enfance une société machiste et revendiquent le droit d’exister en tant qu’individus à part entière.
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Scandant des slogans de manifestations (« Je ne suis pas limitée au point chaud du désir des hommes »), ce court-métrage détourne astucieusement l’objectivation des corps féminins, déconstruit les images faites par et pour les hommes. Si Agnès Varda fragmente l’anatomie féminine par des gros plans sur un sexe, un sein, une hanche (une approche en forme de puzzle qui pourrait déshumaniser), c’est pour mieux critiquer les injonctions esthétiques liées à l’apparence.
À cette composition morcelée, elle oppose très vite des photos de famille où les femmes déconstruisent avec humour le concept réducteur de la femme soumise pour le substituer à leurs visages polymorphes. De ce manifeste pour une sororité qui fait de la différence une arme politique (revendiquer le droit d’être mère comme de ne pas l’être, l’appréhension positive ou négative de la vieillesse) surgissent des images et des mots à la portée volontairement scandaleuse.
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Agnès Varda n’hésite pas à filmer en pied une femme enceinte riant à gorge déployée – ce qui suscitera les reproches écrits des téléspectateurs -, et en un micro-trottoir, balaye l’air de rien quelques théories éculées qui ont la peau dure (l’idée freudienne selon laquelle il manquerait à la femme un pénis, et que ce manque engendrerait un désir inassouvi et structurel) avant de s’attaquer au consumérisme patriarcal généré par la publicité. Le plus troublant, et le plus essentiel dans cet essai limpide, c’est cette capacité de la réalisatrice à encadrer son ciné-tract féministe de formules percutantes (« Volupté mais pas voyeurisme, sexe mais pas sexshop, amour mais pas chantage »). Pour arriver à cette conclusion lumineuse qui ouvre la voie à une redéfinition joyeuse des rapports hommes-femmes : « Il faut réinventer l’amour. »
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