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« Sans jamais nous connaître » d’Andrew Haigh : amour et fantômes

  • Quentin Grosset
  • 2024-02-02

[Critique] Hanté, magnétique, déchirant... Avec « Sans jamais nous connaître »,  Andrew Haigh signe un sublime film de deuil inapaisé, entre fantastique et comédie romantique, qui est aussi le portrait très personnel d’un homme gay ayant grandi dans les eighties.

Dans Sans jamais nous connaître, le cinéaste britannique Andrew Haigh prend appui sur les mêmes codes que dans son long Week-end (2012), par lequel on l’a connu en France, délicate variation sur un plan gay : deux beaux gosses, une rencontre impromptue, des étincelles. Mais sa douceur et sa sensibilité se teintent ici d’étrangeté.

Le film commence dans un Londres abstrait, dans une tour d’immeuble désertée. Ce décor, on peut l’appréhender comme une projection de la solitude d’Adam (Andrew Scott, le « hot priest » de la série Fleabag), personnage de scénariste quadra par lequel Haigh se livre beaucoup – une partie du film est tournée dans sa propre maison d’enfance. Un soir, sans raison, un homme plus jeune, son voisin Harry (notre nouvelle icône Paul Mescal), un peu soûl, frappe chez lui, lui propose un verre, comme pour le déloger, le ramener au monde – une scène de boîte de nuit fantomatique, dans laquelle Harry fait figure de salvatrice apparition, est l’acmé de cette respiration qu’il lui propose.

Pour autant, leur idylle, ils la mènent difficilement, tant Adam est obsédé par son passé. Dans la banlieue pavillonnaire de son enfance, on le sent fébrile, attiré par quelque chose. Il tombe sur ses parents, qui ont la même apparence qu’avant leur mort des décennies plus tôt, et ont l’air d’avoir le même âge que lui. 

C’est là la belle idée du film, d’être toujours dans une mystérieuse indécision, de ne pas s’encombrer d’artifice pour signifier un éventuel voyage dans le temps, un fantasme, ou quelque tour de passe-passe, de ne jamais non plus tomber dans le fétichisme d’une époque – à peine la chanson « The Power of Love » de Frankie Goes to Hollywood, madeleine aux sonorités eighties, nous donne quelques indices, brouillés par le fait que les parents (Claire Foy et Jamie Bell) ont des corps très contemporains.

Andrew Haigh joue plutôt sur la désynchronisation entre le fils et ses parents, comme dans cette séquence où Adam fait le coming out qu’il n’a jamais pu faire à sa mère : elle craint encore le regard que la société aura sur son fils, mais, lui, ça fait bien longtemps qu’il n’en est plus là. Ce dialogue empêché, les échos de ce silence qui l’empêche d’aimer, comment se délester de ce fardeau, c’est ce que sonde alors Haigh avec une juste et désarmante simplicité.

Sans jamais nous connaitre d'Andrew Haigh, 20th Century Studios (1h45) sortie le 14 février.

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